Nos critiques ciné de la semaine: un navet… et des films moyens

Day 18_06222022-85.JPG © Alyssa Longchamp
FocusVif.be Rédaction en ligne

Comme chaque mercredi, voici un condensé des sorties ciné hebdomadaires. The Dead Don’t Hurt avec Viggo Mortensen, Zendaya en pro du tennis et Luca Guadagnino qui se plante royalement dans Challengers. Voici ce que vous devez aller voir (ou pas) sur grand écran cette semaine.

Quel film aller voir en salle cette semaine? Voici la critique de cinq films qui sortent ce mercredi au cinéma.

The Dead Don’t Hurt: Viggo Mortensen à cheval

Racisme, féminisme et inégalités sociales: voilà les thèmes avec lesquels Viggo Mortensen fait carburer The Dead Don’t Hurt, son western à l’ancienne. Mais ce deuxième film en tant que réalisateur -son premier était le drame entre père et fils Falling, en 2020- vaut surtout pour sa robustesse, sa belle photographie et l’histoire d’amour qui couve dans cette balade au far west dont il signe également le scénario et la bande originale.

Il endosse en prime lui-même le Stetson de Holger, immigré danois et ancien soldat qui tombe amoureux de Vivienne (Vicky Krieps), une jeune Canado-Française à l’esprit libre, dans la Sierra Nevada de 1860. Mais très vite, le couple est séparé par la guerre de Sécession, charriant un flot de chagrin et de blessures. Pas aussi excitant que, disons, Unforgiven de Clint Eastwood, mais tout de même une belle romance, qui s’épanouit lentement.

Challengers: Luca Guadignino se plante royalement

Les films de Luca Guadagnino (Io sono l’amoreA Bigger Splash) se suivent et ne se ressemblent pas. Après Call Me by Your Name, son remake très chorégraphié de Suspiria et son drame cannibale Bones and Allle voici donc qui se pique de mettre en scène un triangle amoureux dans le milieu du tennis. Dans Challengers, Tashi Duncan (Zendaya, en démonstration 
forcée de sex-appeal dans chaque plan du film) est une ancienne sportive prodige devenue entraîneuse friquée qui carbure à la gagne.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Elle est mariée à Art Donaldson (Mike Faist), un grand champion en perte de vitesse qui revient de blessure. Afin de le remettre en selle et qu’il puisse espérer enfin triompher au dernier tournoi du Grand Chelem qui manque à son palmarès, Tashi inscrit celui-ci à un simple tournoi Challenger, soit une compétition qui relève en quelque sorte de la deuxième division du circuit professionnel. « Tu dois recommencer à gagner », lui dit-elle avec la détermination cinglante qui la caractérise. Mais pour gagner, il va falloir qu’il se défasse sur le court de l’ex de Tashi, Patrick Zweig (Josh O’Connor), son ancien meilleur ami avec lequel il était, dans leurs jeunes années, tellement complémentaire qu’on les appelait « le feu et la glace ». La réunion de ce trio autrefois flamboyant va réveiller un chapelet de souvenirs chargés en émotions…

La loi du désir

Amis, amants et rivaux: la formule autour de laquelle s’organise le nouveau long métrage de Luca Guadagnino a fait florès depuis le Jules et Jim de François Truffaut. Fièrement tendu vers quelque chose de sulfureux, le film, gavé de vieilles scènes de drague à la tension sexuelle toute relative, ne trouve hélas qu’une inconséquence racoleuse qui multiplie les dialogues à double sens (sur la baise et le tennis, donc) parfaitement ridicules. Beaucoup trop long pour ses enjeux riquiquis (pas de double sens ici), le film se targue en outre d’une narration inutilement déstructurée, naviguant constamment sur la ligne du temps, qui fait figure de véritable cache-misère. Baigné d’un humour potache qui ne fait jamais mouche, l’ensemble cumule les facilités et les clichés censés venir illustrer les motifs 
 impérieux de la loi du désir.

Pire: les nombreuses séquences de tennis de cette tentative vaine et poussive de dépoussiérer les codes du film de sport évoquent, au mieux, un mauvais jeu vidéo. Celles-ci sont par ailleurs systématiquement et littéralement noyées sous les beats bourrins de la B.O. électro spécialement composée pour l’occasion par le tandem en roue libre formé par Trent Reznor et Atticus Ross. Bête, nul et moche, ce film vaguement queer, mais surtout désespérément superficiel, sur le feu de la passion nous laisse complètement de glace.

Le Tableau volé: l’histoire vraie d’un tableau d’Egon Schiele retrouvé

Pascal Bonitzer s’inspire d’une fascinante histoire vraie, celle d’un authentique Egon Schiele retrouvé dans un pavillon par un jeune ouvrier, œuvre disparue des radars sous le régime nazi. Le cinéaste reprend le personnage du jeune ouvrier et imagine les experts du monde de l’art qui gravitent autour du tableau, attirés tout autant par sa valeur esthétique que pécuniaire.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Il démultiplie ces figures de bourgeois passionnés par le montant de la transaction finale, alors que le jeune ouvrier voit le sang sur les mains de ceux qui ont subtilisé ce tableau et se désintéresse pas mal de la somme de toutes façons disproportionnée qui lui reviendra. Dommage que l’accent soit mis sur les atermoiements de ces experts plutôt que sur les interrogations du jeune homme.

Derrière la haine: moins bon que l’original belge

Toutes les deux à l’affiche d’Interstellar de Christopher Nolan en 2014 et d’Armageddon Time de James Gray en 2022, Jessica 
Chastain et Anne Hathaway n’étaient jamais apparues dans une même scène à l’écran. À ce niveau, elles sont aujourd’hui servies dans Mothers’ Instinct, remake américain du film belge Duelles d’Olivier Masset-Depasse (2019), lui-même adapté du roman de Barbara Abel, Derrière la haine. Finalement signé par Benoît Delhomme, célèbre directeur de la photographie français dont c’est 
le premier long métrage en tant que réalisateur, suite au départ de Masset-­Depasse 
du projet, le film fait quasiment figure 
de véhicule-prétexte à une série de confrontations tendues entre les deux actrices, vaguement réminiscentes du duo maudit formé par Joan Crawford et Bette Davis dans What Ever Happened to Baby Jane? (1962).

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.


Scénaristiquement très fidèle à son modèle belge, Mothers’ Instinct situe son action au début des années 60, dans une banlieue pavillonnaire bien ordonnée où Alice (Jessica Chastain) et Céline (Anne Hathaway), voisines directes et amies proches, mènent toutes les deux une vie familiale en apparence idéale. Jusqu’au jour où un accident domestique tragique vient radicalement rebattre les cartes de leur relation, embarquant les deux femmes dans une escalade incontrôlable de crispations tissée de désespoir, de suspicion, de culpabilité et de possible paranoïa…

Un match déséquilibré

Ressentiment amer et deuil impossible sont, sans surprise, au cœur de ce remake produit par Chastain et Hathaway elles-mêmes. Bâti sur une histoire à l’efficacité éprouvée, et aux accents volontiers cruels et vénéneux, s’appliquant à mettre en lumière toute la noirceur tapie sous les conventions sociales et les faux-semblants, Mothers’ Instinct manque hélas cruellement d’ampleur et d’ambition formelle, son esthétique rétro tenant essentiellement de la petite bonbonnière lisse et figée en déficit d’élan vital. Entre mélodrame compassé et thriller psychologique aux ressorts appuyés, tout, ici, semble au fond tenir de la redite un peu vaine aux influences (Hitchcock, Douglas Sirk) mal digérées.

Insistant souvent inutilement sur cette idée un peu rance d’instinct maternel revendiquée jusque dans son titre original, le film échoue à insuffler de la complexité et de la profondeur dans ses sous-entendus 
et ses non-dits. Très mécanique et très aseptisé, il manque tout 
simplement de subtilité. À l’image du jeu d’Anne Hathaway, qui ne possède d’évidence pas la nuance de celui de Jessica Chastain. En ce sens, Mothers’ Instinct apparaît trop souvent déséquilibré, voire carrément bancal, jusque dans ses séquences à la tension supposément paroxystique.

Luca, le dernier Pixar, une ode à la différence au parfum de « dolce vita »

Les sorties se suivent et se ressemblent pour les productions Pixar, puisque quelques mois après Soul, c’est au tour de Luca d’être privé de salles de cinéma pour se voir réservé aux abonnés de Disney+. Un effet collatéral du Covid, bien sûr, que le réalisateur Enrico Casarosa envisage avec philosophie: « Évidemment, nous faisons ces films pour le grand écran, nous mettons tellement de détails et d’amour dans chaque image. Mais compte tenu des circonstances, ça permettra à un maximum de gens de voir Luca, c’est préférable à une sortie en salle dans de mauvaises conditions. Et les spectateurs pourront le regarder à plusieurs reprises, et découvrir ainsi les nombreux « easter eggs » que nous y avons disséminés, et qui risquent de leur échapper à la première vision » (rires). Tout en goûtant un peu plus encore aux charmes de la Riviera italienne et des Cinque Terre.

Bienvenue dans l’âge ingrat

C’est là, en effet, que se passe le film, un récit d’apprentissage mettant en scène deux jeunes monstres marins (n’ayant rien de bien effrayant), Luca, d’un naturel réservé, et Alberto, son nouvel ami, du genre fanfaron et casse-cou. Un duo qui va vivre des aventures mouvementées après avoir décidé de se risquer dans un petit village, se métamorphosant en adolescents sitôt sortis de l’eau. Cette histoire, le réalisateur en a puisé l’inspiration dans ses souvenirs personnels, ayant grandi à Gênes avant de partir étudier l’animation aux États-Unis et de rejoindre les studios Pixar en 2002 -il y a travaillé dans divers départements sur des films comme Ratatouille, Up ou Coco. « Je suis né à Gênes, et j’ai fait la connaissance de mon meilleur ami à onze-douze ans, l’âge auquel on commence à explorer le monde. J’étais timide, un brin surprotégé par ma famille, tandis qu’il se sentait libre d’agir comme bon lui semblait, avec un côté turbulent. Nous avons vécu des aventures qui ont représenté autant de défis pour moi, à cet âge particulièrement intéressant où l’on essaie de découvrir qui l’on est et de grandir. Nous allions passer nos étés sur la Riviera, avec ces falaises et des eaux superbes, un endroit singulier pour lequel j’ai toujours éprouvé un profond amour, et il m’a semblé que ce serait le cadre idéal pour un film. » À ce noyau central de l’histoire est bientôt venu se greffer l’élément fantastique, à savoir ces « monstres » dont Enrico Casarosa raconte qu’ils ont notamment été inspirés par les créatures figurant sur les cartes anciennes, avec l’imaginaire et la notion d’inconnu qu’elles charrient. Non sans traduire l’instabilité liée à l’âge ingrat, et ce sentiment de n’être nulle part vraiment à sa place. Et le film d’être raconté à hauteur de jeunes ados, avec ce que cela suppose encore comme innocence.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

L’époque, elle, c’est celle du tournant des années 60, dont Luca réussit à restituer l’humeur insouciante, et jusqu’au parfum ensoleillé. À cet effet, plusieurs membres de l’équipe de production se sont rendus sur place, histoire de s’imprégner de l’atmosphère particulière des lieux, Casarosa puisant pour sa part dans son goût pour le design vintage des Vespa et autres Fiat 500, et son amour du cinéma italien de l’époque, les films de Fellini et De Sica en particulier, pour donner au film sa coloration définitive. « Nous voulions capturer le charme d’une petite ville italienne, et d’un certain art de vivre. Et situer l’histoire dans une époque un peu révolue permettait de la rendre intemporelle également« , observe-t-il.

Les aventures de Luca et Alberto, bientôt rejoints par la spittante Giulia, avec qui ils composent l’équipe des « underdogs », parlent ainsi à un éternel adolescent que l’on pourrait comparer à celui d’un Stand by Me par exemple. « C’est un âge auquel on a toujours l’impression d’être un peu un outsider, souligne le réalisateur. J’espère que chacun pourra rattacher à cette histoire le sentiment d’altérité qu’il a pu lui-même éprouver, et l’interpréter de manière personnelle en fonction de ce qu’il y a projeté. L’amitié, c’est aussi s’accepter avec nos différences. » Un précepte naturellement propice à de multiples métaphores. « Un thème sous-jacent du film, relève la productrice Andrea Warren, c’est que l’on est là en présence de deux groupes, les humains et le peuple des mers, qui se désignent mutuellement sous le terme de « monstres », parce que leurs relations sont dominées par la peur. Luca réussit à établir un pont entre eux, et s’il y arrive, c’est par sa curiosité, et sa volonté d’apprendre sur leurs différences. » Une leçon toujours bonne à prendre, venue apporter un surcroît de saveur à cet été délicatement enivrant.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content