Critique

[Critique ciné] Halloween, bas les masques

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Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

HORREUR | Quarante ans après, David Gordon Green reprend les choses là où le chef-d’oeuvre matriciel de John Carpenter les avait laissées. Résultat mitigé.

En 1978, Halloween fait figure de cas à part dans le paysage très politisé du cinéma américain de l’époque. Michael Myers, en effet, n’est pas le produit dégénéré d’une société qui corrompt: il est l’incarnation d’un Mal irréductible et absolu dont la seule existence justifie toutes les peurs. C’est le boogeyman, le croque-mitaine qui hante les nuits des enfants pas sages, au visage réduit à un masque cireux qui semble tout droit sorti du théâtre antique. Dès les premières scènes de son chef-d’oeuvre matriciel, John Carpenter pose d’ailleurs l’idée d’un fatum, d’un destin immuable auquel il est impossible de se soustraire. Si le film donne ses lettres de noblesse au slasher, sous-genre horrifique mettant en scène un tueur psychopathe qui trucide ses jeunes victimes à l’arme blanche, il définit surtout une inimitable -et pourtant souvent imitée- grammaire cinématographique, faite de longs et lents travellings glissant sur l’étrange normalité de la banlieue pavillonnaire, de jeux incessants d’apparitions et de disparitions qu’autorisent notamment le choix d’une grande profondeur de champ et un travail sur la lumière qui transforme certaines images en véritables révélateurs photographiques. C’est tout le génie de la mise en scène carpenterienne: suggérer que Myers est à la fois nulle part et partout -il rôde d’ailleurs peut-être devant chez vous.

[Critique ciné] Halloween, bas les masques

Les liens du sang

On se souvient que Laurie Strode, l’adolescente iconique de la saga, fredonnait une petite comptine lors de sa première rencontre avec le monstre Myers, insinuant que c’est bien à une espèce de valse, de danse macabre qu’étaient appelés à s’adonner les deux protagonistes. Quarante ans plus tard, rien n’a changé. Faisant table rase de toutes les suites qui ont essaimé au fil du temps, le nouveau Halloween se pose en pur retour aux sources de la mythologie. À 59 ans, Jamie Lee Curtis reprend donc le rôle de la survivante Laurie Strode: traumatisée, monomaniaque, recluse dans une véritable forteresse de solitude, tout la prépare à une nouvelle confrontation avec celui auquel elle reste irrémédiablement liée par le sang -celui des victimes, bien sûr, mais aussi le leur.

Cinéaste étonnamment éclectique, David Gordon Green (la comédie droguée Pineapple Express, la musarderie indé Prince Avalanche, le drame poisseux Joe) raconte volontiers que Carpenter, maître du récit « à l’os » par ailleurs producteur délégué du film, lui a donné le conseil de faire simple et implacable. Ce bon tuyau, hélas, le jeune réalisateur texan, qui prend plaisir à inverser les rôles entre le prédateur et sa proie, ne l’applique qu’à moitié, surchargeant sa barque horrifique de verbiage psychologisant et de sentimentalisme appuyé, d’un côté, d’humour « méta » et de jeux sur les codes façon Scream du pauvre, de l’autre. À l’exception d’un plan-séquence vertigineux à la violence arbitraire citant ouvertement l’intro du film de 1978, sa mise en scène, certes efficace, apparaît surtout étrangement atone, même si elle a l’excellente idée de rejouer l’antienne de la phobie des espaces confinés mais aussi celle de l’une des BO les plus cultes de l’Histoire. C’est beaucoup et peu à la fois.

De David Gordon Green. Avec Jamie Lee Curtis, Judy Greer, Andi Matichak. 1h46. Sortie: 24/10. ***

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