Critique

L’écume des jours: Gondry adapte Vian avec brio

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

COMÉDIE DRAMATIQUE | Michel Gondry adapte avec brio le roman de Boris Vian, dans un film enivrant, fantaisiste et mélancolique, habité par Romain Duris et Audrey Tautou.

COMÉDIE DRAMATIQUE DE MICHEL GONDRY. AVEC ROMAIN DURIS, AUDREY TAUTOU, OMAR SY. 2H05. SORTIE: 24/04. ****

Il fallait, assurément, un cinéaste à l’imaginaire aussi bouillonnant que Michel Gondry pour tenter l’adaptation de L’écume des jours, roman culte de Boris Vian publié en 1947, une histoire d’amour fou portée par une langue swinguant sur les conventions au rythme de Duke Ellington . « L’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre », écrivait le romancier dans son avant-propos. Et c’est bien de la célébration d’une imagination débridée qu’il est d’abord question, alors que l’on rencontre Colin, un jeune idéaliste vivant à l’abri du besoin dans un appartement abritant un pianocktail parmi d’autres inventions de son cru, et qui va bientôt trouver l’âme-soeur en la personne de Chloé. Et le couple, sur son petit nuage, de baigner dans un bonheur complet, irradiant leur entourage: Nicolas, le génial cuisinier au langage châtié, mais aussi Chick, le meilleur ami, obsédé au-delà du raisonnable par Jean-Sol Partre, et sa compagne, Alise, rencontrée lors d’une conférence du précédent, et jusqu’à leur souris de compagnie. Soit l’image même de la félicité insouciante, que va bientôt venir voiler la maladie, leur quotidien enchanté s’assombrissant lorsqu’il apparaîtra qu’un nénuphar grandit dans un poumon de Chloé, comme si la vie les rattrapait dans toute son absurdité…

La nostalgie du futur

Le roman de Boris Vian était une fête du langage; le film de Michel Gondry est un festin pour les yeux, tant le réalisateur semble avoir trouvé la traduction de chaque image que suggérait l’écrit, qu’il s’agisse du cadre d’ensemble délaissant insensiblement sa parure de couleurs pour s’enfoncer dans la nuit, ou de la multitude de détails qui viennent saturer l’écran avec une jubilation communicative, comme si l’on avait donné les clés du studio à un Géo Trouvetou poète. Mais s’il est fidèle au roman, jusque dans sa dimension plus grinçante, le cinéaste sait aussi s’en affranchir. Un ingénieux dispositif de mise en abîme nous donne d’ailleurs à voir que l’histoire est en train de s’écrire, et L’écume des jours est du pur Gondry, tant par son style échevelé que par l’humeur qui l’habite. Difficile, à cet égard, de ne pas considérer ce film comme le pendant inspiré de Eternal Sunshine of the Spotless Mind et La science des rêves, avec lesquels il compose une trilogie amoureuse baignée de mélancolie, mais aussi de ce sentiment étrange que l’on ne saurait mieux décrire que comme la nostalgie du futur, trait persistant de l’auteur que traduit aussi une imagerie volontiers rétro-futuriste.

Sans doute l’euphorie n’est-elle que passagère, qui ira decrescendo à mesure que l’horizon de Chloé et Colin se resserre. L’émotion qui étreint le spectateur n’en est toutefois que plus forte, tant cette utopie romantique trouve là une résonance profonde, Audrey Tautou et Romain Duris, l’un et l’autre parfaits, réussissant à toucher à l’âme…

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