Critique

[critique ciné] The Power of the Dog, de Jane Campion: into the wild

© NETFLIX
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Jane Campion se frotte à l’Ouest américain et à la masculinité toxique dans un western somptueux et vénéneux habité par Benedict Cumberbatch.

Douze ans après Bright Star, The Power of the Dog consacre le retour de Jane Campion au cinéma, la réalisatrice néo-zélandaise s’étant, dans l’intervalle, consacrée aux deux saisons de la série Top of the Lake. À l’origine du film, son huitième long métrage à peine en plus de 30 ans de carrière, on trouve le roman éponyme de Thomas Savage, publié en 1967. L’action se situe au mitan des années 1920, dans la solitude des grands espaces du Montana. Et plus particulièrement dans le ranch florissant des frères Phil (Benedict Cumberbatch) et George (Jesse Plemons) Burbank, l’aîné, un homme charismatique et brutal, imposant sans ménagement son autorité au cadet, un individu doux et raffiné, à qui il donne du « fatso » (« gros lard ») méprisant, comme à leur entourage qui oscille entre respect et crainte.

Si chacun a appris, le temps aidant, à s’accommoder de la situation, celle-ci change du tout au tout lorsque George se marie avec Rose (Kirsten Dunst), une veuve tenant un restaurant, qui vient s’installer au ranch avec son fils Peter (Kodi Smit-McPhee), un jeune homme sensible. Une double présence insupportable aux yeux de Phil, qui n’a de cesse de les tourmenter et les humilier avec un sadisme semblant ne pas connaître de limite; le garçon surtout, dont il s’emploie méthodiquement à transformer l’existence en enfer…

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Tension sexuelle refoulée

S’il s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre, The Power of the Dog marque aussi un cap dans le parcours de Jane Campion, qui ne s’était jamais frottée au western auparavant, pas plus d’ailleurs qu’elle n’avait placé de personnage masculin au centre de l’un de ses films. Sa plongée dans l’Ouest américain, sa société patriarcale et ses codes machistes, se révèle une réussite à tous points de vue: si la masculinité toxique en est le pivot, Jane Campion ne s’arrête pas là, qui s’intéresse surtout à la vérité de ses personnages. Phil Burbank le premier, individu homophobe, misogyne et raciste qu’elle se garde pourtant de juger, âme sombre d’une histoire à qui Benedict Cumberbatch confère une stupéfiante densité, en un mélange explosif de cruauté et de vulnérabilité.

À sa suite, le film s’inscrit résolument à rebours des clichés, à quoi il préfère la complexité des êtres, au coeur d’un drame puissant et viscéral semblant puiser une part de sa sève dans la sauvagerie de la nature environnante. Inscrite dans des paysages grandioses, l’exploration de cette rivalité fraternelle suintant de tension sexuelle refoulée inspire à Jane Campion un western aussi somptueux que vénéneux. Un chef-d’oeuvre n’étant pas, même si les enjeux sont sensiblement différents, sans évoquer cet autre récit fondateur de l’Amérique moderne auquel le relie la partition de Jonny Greenwood, le There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. C’est dire…

The Power of the Dog

Western. De Jane Campion. Avec Benedict Cumberbatch, Jesse Plemons, Kirsten Dunst. 2 h 07. Sortie en salles: 17/11. Diffusion sur Netflix à partir du 01/12. ****(*)

[critique ciné] The Power of the Dog, de Jane Campion: into the wild

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