Les bulles sonores du Brussels Podcast Festival

Nicolas Naizy Journaliste

Confinée mais bien vivante, la deuxième édition du Brussels Podcast Festival entend faire découvrir toutes les potentialités d’un média audio qui n’a de cesse de se réinventer. Un coup de projecteur bienvenu sur un secteur qui se professionnalise toujours davantage.

Les écouteurs dans les oreilles, le smartphone dans la main. Appuyer sur play et écouter dans le bus, au bureau, au lit, en marchant, en courant. Symbole de nouveaux modes de consommation médiatique, le podcast s’écoute partout, tout le temps. Documentaire ou fiction, il n’est pas neuf, Arte Radio est ainsi née en 2002 de la volonté de la chaîne franco-allemande d’investir le champ de la création sonore mais aussi d’utiliser un média en dehors des contraintes d’audimat et de publicité. La baladodiffusion, comme l’appellent les Québécois, transpire une créativité indéniable.

Aujourd’hui, tout le monde veut faire du podcast. Médias imprimés, théâtres, opéras, musées, maisons d’édition, tout le monde s’engage sur la voie sonore pour garder le contact avec son public, voire pour toucher davantage de personnes.

Un rapide coup d’oeil (et d’oreille) sur la programmation des podcasts proposés en écoute lors de ce deuxième Brussels Podcast Festival permet déjà de constater la diversité des formats, des sujets et des tons. Forte de l’expérience des Blow Out Sessions, l’équipe de programmation de l’Atelier 210 se voit comme de véritables curateurs, défricheurs d’un terrain aujourd’hui surpeuplé. Nouveauté: la création d’un Prix du Public destiné à distinguer les meilleurs podcasts belges francophones (répartis entre fictions et documentaires), signes d’une véritable émulation, une explosion des terrains d’expression. Et le confinement intermittent que nous connaissons depuis près d’un an n’a fait qu’amplifier la production de ces rendez-vous sonores. « Le podcast prend aujourd’hui de l’aplomb en Belgique et nous tenions à en faire un des points forts du festival, constate Morgan Liesenhoff, coordinatrice du Brussels Podcast Festival. Son développement s’explique par son accessibilité: « Il ne faut pas grand-chose comme matériel. Bien sûr, il y a des différences de qualité et notre comité de programmation, qui a une certaine expérience de l’écoute, espère en proposer de très bons. » Quant à son succès, il le doit sans doute à la diversité qu’il permet d’exprimer, ce que confirme François Custers, coordinateur artistique de l’Atelier 210: « Le podcast a permis une grande liberté de ton et de format. Il suffit d’entendre qui y prend le micro, qui y prend la parole. On est en dehors du formatage des grandes radios. Un très bon signe dans le développement du podcast, selon moi, c’est qu’il se retrouve à rebours de tout ce qui s’est dit sur la consommation médiatique du toujours plus vite, toujours plus court. On peut être généraliste mais aussi parler à certaines communautés. Ça me rassure qu’on puisse encore être à ce point proche de l’humain. »

Diversité et visibilité

La sélection pour le Prix du Public témoigne de la variété des contenus: une expérience de l’ivresse pendant le confinement (Rester en mouvement), un feuilleton documentaire sur l’hypnose (Ma voix t’accompagnera), un récit de l’enfer des applis de rencontres (Coeur d’aubergine), un documentaire autour de la pomme de terre (Des patates et des luttes)… Le témoignage, l’expérience intime, le récit à la première personne restent souvent les moteurs, mais la formule de la discussion (le « talk » en jargon podcast) s’amplifie. Le podcast a accompagné les récentes émergences sociétales: on ne compte plus les discussions sur le féminisme, la sexualité, les causes LGBTQIA+, la visibilité des minorités… « C’est bien pour cela que nous avons choisi cette année le thème générique des singularités plurielles. Oui, des communautés se créent mais sans créer de communautarisme », nous dit Morgan Liesenhoff.

Le BPF aura aussi son lot d’inédits, anticipant la sortie du podcast de la réalisatrice Lucie Robet, Je ne suis pas née femme, qui revient sur la découverte d’un syndrome congénital bouleversant sa perception d’elle-même. Le projet MurMur est le fruit du travail d’enquête d’Ambre Ciselet sur la réinsertion des détenus à l’occasion de leur sortie de prison. Un sujet sur lequel on pourra rebondir lors de la discussion autour de l’action sociale à laquelle le podcast peut servir. Si l’on sait que le public majoritaire des podcasts reste jeune et urbain, comment faire en sorte que ce moyen d’expression soit davantage participatif dans sa conception comme dans sa réception? Accessible jusqu’à quel point, s’interrogera-t-on d’ailleurs lors d’un des débats prévus.

Quelle gageure de faire de cette expérience d’écoute individuelle un festival, d’autant plus en période du tout « distanciel »? L’événement est justement pensé pour le partage d’expérience lors de sessions d’écoute collectives et des rencontres. Enregistrements de podcasts en live, sessions internationales (avec surtitrages en direct), partenariat avec le Beursschouwburg et workshops multiplient les occasions d’en découvrir davantage sur un secteur qui se professionnalise de plus en plus. Enfin, parmi les guest stars de cette édition, notons la présence de Sonia Kronlund des Pieds sur Terre, émission culte de documentaires de France Culture qui voit ses écoutes en ligne et téléchargements sans cesse augmenter. « Le coeur du festival, c’est de provoquer la rencontre audio, explique Morgan Liesenhoff. Comme c’est un médium qui s’écoute dans sa bulle, on invite ici à rencontrer les voix derrière les créations. Et même si ici, on ne peut pas le faire en présentiel, on va garder cette aspect de rencontre en ligne après les sessions d’écoute. » Le podcast se prêtait finalement bien à cette réinvention, mot d’ordre du secteur culturel depuis un an.

Brussels Podcast Festival, du 25 au 28/02 organisé par l’Atelier 210. www.brusselspodcastfestival.be

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