Critique | Séries/Télé

Benedict Cumberbatch à la recherche de son fils dans Eric, série joliment imparfaite

3,5 / 5
Eric, une série disponible sur Netflix avec Benedict Cumberbatch et un gentil monstre poilu. © Netflix
3,5 / 5

Titre - Eric

Genre - Thriller

Réalisateur-trice - Créé par Abi Morgan

Quand et où - Disponible sur Netflix

Casting - Avec Benedict Cumberbatch, Gaby Hoffmann, McKinley Belcher III

Nicolas Bogaerts Journaliste

Un célèbre marionnettiste de télé se lance sur les traces de son fils disparu, aidé par un monstre imaginaire. Une série joliment imparfaite.

La créatrice de la désormais classique série britannique The Hour (actuellement disponible sur Arte.tv) Abi Morgan projette son sens de la scénographie et des géographies intimes dans le New York des années 80, reconstitué avec un dosage savant de nostalgie télévisuelle. Dans Eric, Vincent (Benedict Cumberbatch) est un génie des marionnettes, dont il peuple une très populaire émission pour enfants, Good Day Sunshine (qui n’est pas sans évoquer Sesame Street). Aussi créatif que dur à la tâche, Vincent voit son horizon psychique basculer quand son fils Edgar disparaît un matin sur le chemin de l’école. Il décompense, et le narcissisme jovial qui lui servait de moteur se mue en une sombre et violente culpabilité, dévorant le couple qu’il forme avec Cassie (Gaby Hoffman). Vincent n’a d’autre recours que de se jeter dans la création. Lorsqu’il retrouve l’esquisse d’une marionnette de monstre dessinée par son fils, Vincent se met en tête de lui donner corps. Eric, du nom qu’il lui a donné, devient un doudou grandeur nature, un objet transitionnel par lequel se manifestent ou se calment les obsessions de son créateur. Poussé par le chagrin, le doute et le manque, en proie aux hallucinations, Vincent se lance sur la piste de son fils, flanqué, comme Calvin l’est de Hobbes, de ce compagnon imaginaire, persuadé que ce dernier fera rentrer son fils au bercail, sain et sauf.

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Eric, témoin de la contre-histoire

Entre poésie et souvenirs, projections et déni, la série avance comme un thriller contemplatif de nos douleurs intimes. Elle illustre, aux frontières de l’allégorie, tout le spectre du deuil et de ses déroutes, et questionne de manière touchante l’externalité fonctionnelle des monstres que nous façonnons. Le réel et les fantasmes, les mondes invisibles et indicibles. Et tout ce qu’il faut de courage pour briser l’illusion.

Dans le prolongement, Eric éclaire également volontiers des pans de contre-histoire culturelle et sociologique. De la même manière qu’elle révèle les coulisses d’une forme de télé relevant aujourd’hui d’un domaine idéalisé, elle éclaire les étaux d’une société bridée jusqu’à l’éreintement. Ainsi le détective qui mène l’enquête, le bien nommé Michael Ledroit (McKinley Belcher III), est un afro-descendant homosexuel, ce qui, dans le contexte d’une police des années 80, en fait une cible à double titre. Probablement plus qu’à son rôle d’inspecteur, c’est sur cette dimension complexe et intersectionnelle que s’appuie son arche narrative. Et si le personnage de Cassie avait été scruté avec la même attention, le tableau rendu par Abi Morgan n’en aurait été que plus fort et exemplaire.

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