Joëlle Sambi: « Maison chaos, c’est la maison que l’on ne veut pas habiter mais qu’on cherche toute sa vie »

© Margot Briand

On interviewe Joëlle Sambi alors qu’elle est à Kinshasa, dans sa voiture, au milieu des klaxons et du brouhaha. On imagine par le son le branle-bas coloré autour d’elle, alors qu’elle nous raconte sa création en cours, Maison chaos, présentée en février à Namur avant La Louvière, puis au National à Bruxelles, où la poétesse est artiste associée.

C’est quoi, cette Maison chaos?

Joëlle Sambi: C’est la maison que l’on ne veut pas avoir, que l’on ne veut pas habiter mais qu’on cherche toute sa vie. Celle dont on a l’habitude, où on a grandi, qui nous a fait le plus de bien et le plus de mal aussi. C’est ma maison chaos à moi, qui m’a détruite et m’a faite tout entière. C’est la norme, le patriarcat, les violences sexistes et sexuelles. Cette maison que toutes les femmes ont habitée et dont elles sont sorties… Mais en sort-on vraiment? J’ai eu ce moment, en 2022, j’étais comme aujourd’hui à Kinshasa, coincée dans les embouteillages sous 35 degrés, avec des bruits, des couleurs, et je me suis dit: “C’est ça ma maison, ce désordre, cette chaleur, c’est ce qui me constitue, ce que j’aime.” Et c’est en tirant ce fil que j’ai pu travailler. Au départ, je voulais faire le lien entre le Congo et la Belgique, mais il n’y a pas de géostratégie au viol ou à l’inceste. Cette maison, elle est autant pavillonnaire que posée sur les chemins érodés.

Pourquoi, slameuse, avez-vous ajouté du chant lyrique à ce spectacle?

Joëlle Sambi: J’ai travaillé avec Baloji sur un projet, il avait intégré le chant lyrique à un morceau de son nouvel album. Cette voix apportait une dimension supplémentaire. Maison chaos est la parole ininterrompue d’une femme. Mêler du chant au slam permet de figurer mon cri explosif. Ça apporte aussi une dimension plus joyeuse, une espérance même en demi-teinte. Avec cette militance qui m’est chère, à la différence que c’est un récit personnel. C’est moins un appel à manifester qu’à rejoindre un groupe de parole. Et s’en défaire. Il y a des paradoxes, des allers-retours mais ça permet de continuer à aller vers l’avant, pleurer, rire, vivre. Le chant permet ça aussi.

Que représente cette Maison chaos dans votre parcours artistique?

Joëlle Sambi: Un dévoilement conséquent soulignant le lien entre intime et politique. Dans Maison chaos, je suis une femme de 100 ans sur scène. À 100 ans, on n’oublie pas ce qui doit être dit, on le dit. Maison chaos, c’est mon “moi aussi”.

Maison chaos, de Joëlle Sambi, du 07 au 10/02 au Théâtre de Namur, du 27 au 29/03 au Palace, La Louvière, du 03 au 13/04, au Théâtre National (Bruxelles).

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