Reporters de guerre au KFDA: raconter la guerre
Sébastien Foucault frappe un grand coup avec sa première création en son nom. Présenté au Kunstenfestivaldesarts, Reporters de guerre nous transporte en Bosnie en 1995, en pleine guerre, avec trois témoins dans leurs propres rôles.
Comment raconter aux autres ce qu’on a soi-même vécu afin que ceux-ci ne soient pas obligés de le revivre? Cette question, qui comporte son lot de conséquences tragiques, figure au cœur de Reporters de guerre. S’approchant par cercles concentriques, Sébastien Foucault va nous emmener au cœur d’un des pires désastres de l’Histoire contemporaine de l’Europe: la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995). D’abord, l’air de ne pas y toucher, avec un extrait d’une adaptation radiophonique du film Blade Runner. « Quelle expérience de vivre dans la peur », « ces moments se perdent dans l’oubli comme les larmes dans la pluie», une colombe: quelques indices montrent pourtant déjà que ce fragment n’a pas été choisi au hasard. Il provient d’ailleurs d’une version diffusée à Sarajevo en 1993, dans des circonstances que le public découvrira plus tard.
Pour ce test grandeur nature sur la possibilité de transmettre un témoignage, Sébastien Foucault fait appel à trois personnes qui ont vécu les faits avec plus ou moins d’éloignement: Michel Villée, aujourd’hui marionnettiste (notamment au sein de Une Tribu Collectif), mais à l’époque attaché de presse pour Médecins sans Frontières, dont deux membres étaient sur place, et très marqué par le massacre de Srebrenica; Françoise Wallemacq, reporter dont la voix est si familière aux auditeurs de la RTBF, envoyée sur place pour couvrir le conflit; et Vedrana Bozinovic, adolescente à l’époque, vivant la guerre de l’intérieur et résistant comme elle le pouvait, devenue aujourd’hui comédienne et directrice artistique du Théâtre National de Sarajevo.
Ces trois témoins, qui sont ici sur scène essentiellement eux-mêmes, vont amener le public à se focaliser sur un moment précis, une victime précise parmi cette avalanche d’atrocités, dans une reconstitution à la fois clinique et bouleversante qui établit aussi intelligemment des liens entre la situation en Bosnie et la situation en Belgique. « Ici, c’est le moment où vous êtes censées pleurer, dit Vedrana. Mais rassurez-vous, dans cinq minutes vous aurez tout oublié. » En l’occurrence, c’est faux. Plusieurs jours après, les images sont encore là.
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