Critique | Cinéma

Oppenheimer: le parfum d’apocalypse du nouveau film de Christopher Nolan

2,5 / 5
2,5 / 5

Titre - Oppenheimer

Réalisateur-trice - De Christopher Nolan.

Casting - Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Robert Downey Jr.

Durée - 3h01

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Christopher Nolan livre, avec Oppenheimer, un portrait moins intime que spectaculaire de l’homme qui a donné au monde le pouvoir de s’autodétruire.

Éminent physicien américain d’origine juive allemande communément présenté comme le père de la bombe atomique, Julius Robert Oppenheimer (1904-1967) hantait déjà cette année de sa présence, un peu à la manière d’une ombre maudite, le diptyque testamentaire de l’immense romancier Cormac McCarthy, Le Passager et Stella Maris. Il est aujourd’hui le sujet complexe, à la conscience d’abord écartelée puis irradiée, du nouveau long métrage de Christopher Nolan, roi plus ou moins autoproclamé de ce qu’il convient d’appeler le blockbuster d’auteur.

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Le réalisateur de Memento, The Dark Knight, Inception, Interstellar, Dunkirk et autre Tenet s’y inspire d’une volumineuse biographie de Kai Bird et Martin J. Sherwin, Robert Oppenheimer: Triomphe et tragédie d’un génie (traduction aux éditions du Cherche Midi). Couronnée en 2006 du Prix Pulitzer, celle-ci pose le très controversé scientifique en véritable Prométhée du XXe siècle -du nom de cette figure mythologique damnée pour avoir dérobé le feu sacré aux dieux de l’Olympe afin d’en faire don aux humains.

Privilégiant une narration aux accents épiques et tourbillonnants volontairement déstructurée, qui multiplie en toute liberté les va-et-vient sur la ligne du temps, le film se construit autour d’une audition de sécurité douloureuse et cinglante datant de 1954 où, en plein maccarthysme, Oppenheimer, rattrapé par son passé gauchiste, est tenu de justifier en détails les grands axes moraux de son existence. Ce procès à peine déguisé fournit à Nolan le prétexte idéal pour revisiter à sa guise chacun des moments-clés ayant émaillé le parcours humain et professionnel de ce brillant théoricien a priori peu taillé pour la pratique: formation auprès des plus grands esprits européens de sa discipline, publications décisives en matière de mécanique quantique et de physique nucléaire, nomination à la direction scientifique du fameux Projet Manhattan qui conduira à la mise au point des premières bombes atomiques de l’Histoire, opposition au développement des armes thermonucléaires… Soit, indéniablement, une matière aussi passionnante qu’explosive coulée au cœur d’un biopic situant ses enjeux à la croisée du drame philosophique, du thriller à enquête et du film de prétoire.

Gigantesque bande-annonce

Avec Oppenheimer, Christopher Nolan revient à un budget un poil plus modeste que dans ses derniers longs métrages (100 millions de dollars tout de même, contre 205 pour Tenet ou 165 pour Interstellar, par exemple…). Constamment rivé aux visages et aux émotions de ses personnages, il donne un temps l’illusion de moins chercher à se focaliser sur l’action que sur la psychologie de ceux-ci, sur le dilemme moral qui les ronge, entendant ainsi offrir un véritable portrait de l’intérieur d’Oppenheimer, cet homme pétri de paradoxes, voire de contradictions, se posant aussi bien en bourreau qu’en martyr. Exclusivement tourné avec des caméras à objectifs grand format en quête de démesure immersive, et affichant par ailleurs une durée record (pour le cinéaste) de plus de trois heures, le film n’en donne pas moins bien vite le sentiment d’enfoncer le clou d’un cinéma de l’épate, calculateur et hyper découpé, maximaliste au possible, absolument allergique au silence, qui exacerbe la moindre situation au profit d’une efficacité grandiloquente et flirte en permanence avec l’indigestion.

En déficit criant de nuance et de subtilité, Nolan tente ainsi l’impossible grand écart entre le macro et le micro, le spectaculaire et l’intime. Se vantant notamment en interview d’avoir réussi l’authentique gageure de signer un film avec une explosion atomique qui se passe complètement d’effets spéciaux numériques, il reste un pyrotechnicien obnubilé par la puissance de feu de ses images, chromos géants à la surface desquels le spectateur semble condamné à venir glisser sans autre promesse qu’un très superficiel étourdissement. Avec son casting aux allures d’incessant défilé de stars, ses tirades surécrites déclamées à débit mitrailleur et son festival de mauvais accents absurdement appuyés, Oppenheimer, luxueux divertissement mené tambour battant, confine parfois au zapping pur et simple, et donne au fond souvent le sentiment d’être occupé à regarder une gigantesque bande-annonce égrenant sans jamais vraiment s’y arrêter les thématiques à développer une autre fois -dans un film de six heures, peut-être?

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