Un été sous le signe de la « sobriété heureuse »

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Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Pour s’épargner les tracas habituels et la mauvaise conscience cet été, une solution: la culture, plus court chemin vers la « sobriété heureuse ».

Chaque année, à la veille des vacances, c’est la même rengaine: l’excitation le dispute à l’angoisse. D’un côté, l’excitation de prendre le large, de compléter sa collection de paysages de cartes postales -ou simplement de retrouver son petit coin de paradis-, d’enflammer son compte Insta en l’inondant de clichés “de ouf”, de rompre l’épuisante routine des dix derniers mois, de retrouver la fièvre juvénile des festivals, de se ressourcer en ne faisant rien -ou au contraire en se lançant à corps perdu dans de redoutables défis sportifs-, ou encore de mettre sous la serviette de plage les tracas du quotidien. De l’autre, l’angoisse de ne pas finir le boulot restant dans les temps, de ne pas retrouver son poste à la rentrée, d’oublier de mettre le doudou de la petite dernière dans la valise, de ne pas trouver en chemin une borne libre pour la voiture électrique, de tomber malade dans un pays au système de santé rudimentaire, de passer un mois d’août pourri à cause des examens de passage de l’ado rebelle, ou encore d’avoir choisi un spot coincé entre un disco-bar et une autoroute malgré les vérifications méticuleuses sur Google Street View.

Comme si ces tracas ne suffisaient pas, il va falloir composer désormais aussi avec d’autres imprévus de saison. Exemple classique: vais-je passer des vacances relax au bord de la piscine (si elle n’a pas été vidée à cause de la sécheresse) ou l’œil rivé sur le feu de forêt qui grignote l’horizon et se rapproche au galop du Camping des Flots Bleus?

Même un début de mauvaise conscience pourrait venir gâcher la fête. En choisissant notamment une destination dans le viseur d’Amnesty international. De la Chine à la Turquie en passant par l’Italie de Giorgia Meloni ou la Tunisie de Kaïs Saïed, la carte des cieux touristiques cléments, où il fait bon vivre quelles que soient ses opinions politiques ou son orientation sexuelle, se réduit comme peau de chagrin. Le surmoi pourrait aussi venir troubler le sommeil de celui qui a fait la sourde oreille aux cris d’alarme répétés du GIEC en optant pour une formule tout sauf “green friendly”. Posséder un SUV, c’est déjà une injure aux générations futures, mais parcourir 8 000 kilomètres en avion pour poser ses fesses sur du sable plus blanc que blanc, et pour les plus intrépides mettre en péril l’équilibre d’un site naturel pour le selfie ultime, ça frise désormais le crime contre l’humanité.

On va finir par se convertir à la sobriété si ça continue. D’autant que comme le clamait feu Pierre Rabhi, celle-ci n’est pas forcément rébarbative ou synonyme de privations. Cela tombe bien, la “sobriété heureuse” que le philosophe écolo appelait de ses voeux, c’est un peu la spécialité de la culture. Et on ne parle pas ici des maigres moyens dont elle dispose pour rayonner mais bien des bienfaits dispensés en bout de chaîne. En effet, pas besoin de courir à l’autre bout de la planète pour faire un voyage mémorable dans le temps, dans l’espace ou même dans la peau d’un·e autre. Un bon roman (on vous prépare une petite sélection dans le prochain numéro), un concert qui retourne une plaine surchauffée comme une crêpe, un spectacle poétique au clair de lune et ce sont des heures de loisirs décarbonés assurés -jusqu’à preuve du contraire, un cerveau qui tourne à plein régime ne contribue pas au réchauffement climatique.

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Sobriété bien ordonnée commençant par soi-même, c’est une formule allégée -mais toujours savoureuse- de Focus que vous retrouverez la semaine prochaine dans le Vif. Et ce jusqu’au 24 août. De quoi largement sustenter les fins gourmets, avec comme toujours sa ration de dossiers, sa petite série BD inédite, son lot de reviews et son guide télé. Sans oublier évidemment les festivals, épicentres de l’activité culturelle estivale -même si ces dernières années, on observe une “normalisation” de juillet et août, avec de grosses sorties ciné attendues ou des têtes d’affiche programmées dans les salles habituelles (lire notre sélection ici). Nos envoyés spéciaux à Couleur Café, au Paradise City, à Dour, aux Ardentes, au Micro ou encore au Pukkelpop vous les feront revivre -sur le site et les réseaux sociaux du Vif- avec un réalisme plus criant qu’une IA. Sobriété oui, mais avec des émotions plein la tête.

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