IA et culture: pour le meilleur ou pour le pire?
Cinéma, musique, séries, arts plastiques et même édition… l’IA est en train de bouleverser la culture. Pour le meilleur peut-être, pour le pire certainement si on n’impose pas des limites à cette technologie redoutable.
En attendant d’être remplacés par des IA génératives qui personnaliseront à l’extrême l’information en siphonnant nos profils numériques -histoire d’être sûr qu’on ne partage plus rien en commun…-, on perpétue chez Focus certaines traditions dopées à l’intelligence humaine. Celle des tops de fin d’année notamment. L’occasion pour chaque journaliste de jeter un coup d’œil subjectif et critique dans le rétro. “Tiens, ce film, j’avais oublié que je l’avais vu alors alors qu’il m’avait profondément ému”, “Ah bon, cet album est sorti en 2024, j’étais persuadé qu’il était plus ancien”… Voilà le genre de réflexions que déclenche ce petit exercice d’introspection que chacun peut faire, pour parader sur les réseaux sociaux ou simplement pour mettre de l’ordre dans sa mémoire avant d’entamer un nouveau chapitre.
Au bonheur de faire des listes s’ajoute la joie simple de renouer avec des sensations qui nous ont traversés mais qui ont été englouties entretemps par le flux continu de stimulations riches en acides gras saturés. Ces retrouvailles avec nos états antérieurs nous rappellent que nous sommes humains. Les machines peuvent simuler nos expressions et affects à la perfection, mais il leur manque encore ce petit supplément d’âme, qui tient à la faculté de désirer et de rêver. Il n’y a qu’à voir les réponses bricolées par ChatGPT, elles manquent singulièrement d’émotion, de chaleur humaine dirait Christine and the Queens. Mais pour combien de temps encore?
Car la culture, comme toute la société, est assise sur un volcan. Le dossier spécial (lire l’interview de l’anthropologue Denis Vidal ici) que nous consacrons au grand chambardement de l’IA dans le cinéma, la musique, les arts ou la littérature souffle moins le chaud que le froid. Certains veulent encore croire à une révolution de velours comparable à l’arrivée de la télévision, qui suscita à ses débuts beaucoup de craintes mais ne tua ni la radio ni les journaux. Mais ils sont de plus en plus nombreux à redouter un changement radical et irréversible de paradigme, la puissance de colonisation des imaginaires entre les mains des réseaux de neurones n’ayant pas d’équivalent dans l’Histoire des technologies.
Peu importe que les chatbots les plus avancés aient des hallucinations, que nous creusions potentiellement notre propre tombe, tant qu’il y aura des apprentis sorciers et de l’argent à se faire, rien n’arrêtera probablement le mouvement. Raison de plus pour mettre des limites juridiques, éthiques et morales, en s’inspirant des scénarios imaginés par les cinéastes, qui n’ont pas attendu OpenIA pour inventer un monde dominé par les machines. Pourvu que 2024 ne soit pas la dernière année où l’humain pouvait encore exercer son libre arbitre et les artistes leur créativité. Sur ce, joyeux Noël et bonne année!
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