Porcelain ID, diamant brut de la folk

Un premier album aux accents bibliques pour Porcelain id. © Anneke D'Hollander
Jonas Boel Journaliste Knack Focus

Ses tout premiers fans, il les a conquis avec un cathéter dans le bras. À 23 ans, Hubert Tuyishimie, alias Porcelain id, sort l’album Bibi:1.

Après plusieurs EP et une victoire au tremplin flamand pour jeunes talents Sound Track, le chemin de l’artiste basé à Anvers Porcelain id atteint aujourd’hui un point culminant avec la sortie de son premier album, Bibi:1, mélange singulier de folk inspiré, de soul brute et d’electronica. Comme iel l’explique, son parcours, quand on y regarde de plus près, a été pas mal mouvementé et a exigé une bonne dose de persévérance. “J’avais 7 ans lorsque ma mère est arrivée à Itegem (province d’Anvers), en provenance du Rwanda. Elle était venue en Belgique pour en savoir plus sur mes problèmes de santé. Je souffrais d’une maladie rénale et, sur les conseils d’un médecin rwandais, nous sommes venus consulter le docteur Rita Van Damme-Lombaerts, la grande spécialiste en matière de transplantation rénale.”

Quel a été le choc culturel à votre arrivée en Belgique?

Porcelain id: En fait, ça n’a pas été si dur. Au début, nous avons vécu dans une sorte de maison d’accueil, avec d’autres nouveaux arrivants. Une famille asiatique, des gens venus de Mongolie, d’Éthiopie… De toutes façons, mon monde était très restreint: ça se résumait à l’école et à l’hôpital. L’hôpital universitaire de Leuven a été ma deuxième maison. Là, on a découvert que mon problème rénal n’était pas génétique, mais avait été causé par un médicament qu’on m’avait donné vers l’âge de 2 ans et qui avait détruit mes reins. En plus, j’ai attrapé une infection à l’hôpital de Leuven et à un moment donné, ma vie ne tenait plus qu’à un fil. Mais je m’en suis sorti et après quelques années de dialyse, j’ai reçu un nouveau rein, en 2010. Soit cinq ans après notre arrivée en Belgique, ce qui est assez rapide. Mais ça m’a semblé durer une éternité.

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Mais toutes ces années à l’hôpital ont-elles eu un côté positif?

Porcelain id: Cinq heures de dialyse trois fois par semaine, ce n’est pas drôle. Mais j’ai bénéficié d’une thérapie qui comprenait beaucoup de musique. Mes premiers fans, je les ai conquis à l’hôpital, un cathéter dans le bras (rires). C’est dans ce cadre-là, grâce à Dianne, une des thérapeutes, que j’ai découvert Michael Jackson. Chez moi, il n’y avait que du gospel rwandais. Mon père était pasteur, son père aussi. En fait, j’ai toujours eu envie de me retrouver devant un public. Mais grâce à Michael Jackson, j’ai appris que la musique pouvait aussi être un job, un métier qu’on peut apprendre. Je me suis entraîné en copiant ses pas (sourire). Ma toute première performance publique a eu lieu lors d’une fête de bienfaisance avec tous les médecins du monde de la transplantation. J’ai chanté Let It Be des Beatles, avec une petite voix très aiguë (rires).

2021 a été l’année de la naissance de votre fils et celle où vous avez décidé de vous identifier en tant que personne non-binaire. Une période mouvementée?

Porcelain id: Oui, on peut le dire. Pour moi, il s’agit plutôt d’un voyage. Un voyage vers une plus grande compréhension de moi-même. Dans ma petite enfance, je trouvais déjà difficile de correspondre à ce qu’un garçon ou un homme était censé être. J’avais aussi un côté flamboyant à l’époque. (sourire) Plus tard, à l’école secondaire, je me suis demandé s’il était possible que je sois bisexuel. À Sint-Lucas, où j’ai étudié l’illustration, j’ai eu plus de contacts avec des personnes de la communauté queer et c’est là que j’ai porté une robe pour la première fois en public.

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Vous vouliez faire un premier album “à mi-chemin entre Nick Cave et Yeezus de Kanye West”. Des influences qui partagent un côté biblique…

Porcelain id: Certainement. J’ai été élevé dans la religion, au sein de l’Église adventiste du septième jour. Et cette foi est si profonde que je ne m’en rends même plus compte. Je ne vais plus à l’église, mais je peux retourner ça dans tous les sens, cette foi reste un fondement, le début de tout pour moi.

I have a diamond/ it’s made of your tears”, chantez-vous dans Cellophane, et “The horse ride is perfect/ the diamond is bloodshed” dans Habibi (R U Alone?). Le diamant est assez présent dans Bibi:1.

Porcelain id: Anvers est la ville du diamant! Et le Rwanda est en guerre avec le Congo pour les territoires où le diamant est extrait. Mais le diamant est aussi un symbole des différences de classe et il fait aussi référence à une de mes amies de Sint-Lucas qui a étudié la création de bijoux. En fait, tout l’album est un grand hommage à tous ceux qui m’ont inspiré·e ou soutenu·e. Un hommage à Anvers, mais surtout à tout ce qui m’a poussé·e dans cette direction. C’est un témoignage de gratitude. À des gens comme Dianne de l’hôpital universitaire, ou mon ami Adel, qui m’a poussé à enregistrer mon premier EP. Bibi, abréviation de “habibi” (“chéri” en arabe), c’était comme ça qu’il m’appelait.

Porcelain id, Bibi:1 ****, distribué par Unday Records. En concert le 15/03 à 4AD, Dixmude, le 21/04, à l’AB Club, Bruxelles, le 01/05 au festival Les Aralunaires, Arlon.

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