Great Mountain Fire, vers l’Everest?

Troisième album pour Great Mountain Fire, quintette bruxellois qui aime puiser dans le funk et le krautrock. © Mayli Sterkendries
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

De Movements, troisième album bien épaissi en fantasmes groovy, les Bruxellois de Great Mountain Fire tirent douze titres entre Chic et saillies indie pop. Interview et mini blind test.

On quittait Great Mountain Fire il y a déjà quatre ans dans leur lieu de répétition, au Théâtre Américain du Heysel. L’un des très rares bâtiments rescapés de l’Expo 58. Longtemps géré par la télé publique flamande, l’espace -qui va ensuite servir de backstage aux éditions laekenoises de Couleur Café- est semi-abandonné. En tout cas, son architecture intérieure témoigne du temps qui passe. Great Mountain Fire y installe ses pénates entre 2013 et 2016, dans une partie des coulisses, qui ressemblent à un appartement plutôt décati, mais ambianceur. Comme quoi le ramage et le plumage sont bien de deux espèces différentes. À savoir que le contexte de création d’une musique -cette construction vintage de l’ancienne Belgique à papa- sert de QG à un groupe bruxellois qui tente de joindre passé, présent et, pourquoi pas, futur assumé. « Bien sûr, on était conscients de l’Histoire du lieu, qui a une aura particulière. Avec une signification culturelle forte puisque la BRT/VRT y est restée pendant des années. On avait la chance d’avoir à notre disposition quelques milliers de mètres carrés de béton, ce qui nous a permis d’exploiter les espaces. En fait, on occupait le studio météo de la télévision flamande, en dessous d’une vieille régie qui dominait la grande salle de spectacle. Donc, sur l’album précédent, Sundogs, on a pu travailler comme dans un studio classique, en construisant un studio portable avec vitre, etc. Faisant un disque old school comme on pouvait encore en faire dans les années 80: se donner 20 jours d’enregistrement et puis, c’est terminé. »

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Au téléphone -pas de Zoom ni de Skype en cette fin novembre-, les voix de Thomas de Hemptinne (chant, guitare) et Antoine Bonan (chant, clavier) se confondent. Indice d’une possible gémellité, d’action musicale fusionnelle, celle qui donne de la force à GMF, formation bruxelloise complétée par Alexis Den Doncker (chant, basse), Tommy Onraedt (claviers) et Morgan Vigilante (percus). Ceci étant dit, le groupe semble en curieuse position orbitale.

Great Mountain Fire, vers l'Everest?

Yes, I Can

Lancé et reconnu en notre malingre Fédération Wallonie-Bruxelles, GMF a du mal à valoriser son talent au-delà de nos frontières limitrophes. Alors que leur son vaillant, mélodique, riche et multicouche groovy, sur Movements, vaudrait bien un succès à la Phoenix, réussite spectaculaire des deux côtés de l’Atlantique. Aujourd’hui, le groupe vient de signer sur le label Capitane Records de Nicolas Michaux et va développer son projet avec le Liégeois, empruntant forcément les voies Bandcamp et autres. « On a pas mal de bonnes réactions en Allemagne, en Amérique latine. On reste dans la sphère Internet et des music lovers, ceux qui peuvent aujourd’hui diffuser. Avec la possibilité de voir combien il y a d’airplay en Suède ou au Portugal: il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, un disque est toujours une remise à zéro. Faut surtout pas trop s’attarder sur les algorithmes. Et puis quand même, on n’est pas que musiciens… Même si on ne peut plus travailler dans les bars (Rires). »

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Après le départ du Théâtre Américain, la confection de Movements s’est faite en phase itinérante, GMF proposant des morceaux nouveaux au fil des concerts: « Après ce luxe de trois années au Théâtre Américain, où l’album Sundogs a été conçu de manière autonome -on pouvait enregistrer une nuit et boucler des vocaux au petit matin-, Movements a été construit de manière totalement différente. Même si nos trois disques ont des sonorités bien distinctes, sur celui-ci, on a davantage fonctionné en jouant ensemble, à la recherche d’une étincelle. Le côté plus charnel vient du rapport à la mélodie, et de là, on essaie des choses en concert, avec au final des créations polarisées. Voir comment l’audience répond à ces titres et ce plaisir de jouer live en concert. Notre rapport au funk vient du rapport basse/batterie et de la cohésion de groupe. » Étonnamment, les deux GMF interviewés citent… Can comme formation essentielle dans le façonnage de leur démarche musicale. Mais quel rapport entre les krautrockers seventies allemands influencés par l’expérimental électronique et Stockhausen et le quintet bruxellois du présent millénaire? GMF: « Peut-être parce qu’ils incarnent le gap entre le rock et un certain funk, de manière frondeuse. Qui comblent le vide entre James Brown et AC/DC via d’autres sonorités. Aujourd’hui, un groupe comme Daft Punk a bâti une musique identitaire entre ce qui pouvait paraître comme des extrêmes. » Citation French Touch mais avec l’idée de laisser la direction aller vers ce qui a été tenté en live ou en répétition.

Great Mountain Fire -« Movements »

Distribué par Pias. ****

Great Mountain Fire, vers l'Everest?

La pochette aborde des tonalités à la Edward Hopper. Conforme à la signature du peintre américain, elle donne quelques indices de tropiques fantasmés. Welcome au dome de plaisir du troisième album des Bruxellois enjoués. La parution du premier Canopy en 2011 révélait un quintette au son indie, mordant et assez typique d’un profil digital 2.1. Flanqué d’un évident désir de faire danser. Profession de foi toujours tenue sur le second disque, Sundogs, en 2015, abordant un évident tricotage funky, par exemple dans 5-Step Fever ou Four-Poster Ride. Cinq ans plus tard, les chansons de GMF se sont épaissies, enfiévrées, précisant une direction de plus en plus groovy. À commencer par le titre qui ouvre Movements, qui pourrait être de la patte guitaristique de Nile Rodgers. D’autant que les choeurs, comme la voix lead, se sont caramélisés, sans pour autant parodier -intégralement- l’idiome nord-américain. Ainsi, le deuxième morceau, Move On, pourrait être un inédit de The Cure, un soir où Robert Smith s’est enfilé trop de Babycham dans son pub de Crawley. Entre la Belgique-Europe et les États-Unis, GMF dessine une île flottante en milieu d’Atlantique, là où une boîte géante mettrait à l’épreuve des ballades irrésistibles, jamais trop loin du déhanchement (Caroline), avec cette rare faculté nationale de réussir l’évidence radiophonique (Wait a Minute, No Reason). Sans quasi jamais oublier de puiser dans une massive réserve à riffs toniques, grondements de basse et injections à six cordes, qui pourrait bien être leur boîte de Pandore positive. Sur le chemin d’une popularité extra-belge méritée.

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Le mini blind test

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New Order, Be a Rebel (2020)

« Je ne peux pas m’empêcher de penser à Joy Division et aussi au label Factory et puis à The Cure, dont notre bassiste est extrêmement fan. Je me rappelle avoir été avec lui à Werchter lorsque Bob et ses complices s’y produisaient: il s’était grimé comme Robert jeune, genre 17 ans. Parmi la foule sur la plaine du festival, il y en avait plein comme lui. Ceci dit, New Order a quelque chose de rêveur et d’entraînant: au sein même de nos compositions, on aime les contrastes. Être surpris par nous-mêmes, ce que l’on retrouve chez New Order, qui ne sont pas forcément de bons musiciens ou des érudits, mais des gens sensibles. Un peu comme nous quoi. »

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Phoenix, If I Ever Feel Better (2001)

« C’est Phoenix, le premier album qui nous a marqués pour des raisons de production. On a peut-être un petit côté Phoenix. Un blog américain a fait une analogie entre l’un de nos morceaux, Late Lights, et le répertoire du groupe français. Il y a quelque chose qui se rejoint et on a eu des échos anglophones disant qu’avec notre accent -pas loin de celui de Phoenix-, on semblait proches dans l’expression vocale. Et puis, on a ce rapport au rock, cette façon de considérer la musique sans son devenir. Si ça va plus loin, tant mieux, sinon… Faut pas oublier que la culture francophone est davantage complexée que la flamande, davantage partie pour le monde. »

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Kraftwerk, First Techno (1970)

« C’est Can? C’est Kraftwerk! J’ai eu un énorme flash pour les deux premiers albums de Kraftwerk, ceux avec les cônes, la musique sérielle et une forme de kraut que l’on peut retrouver sur Move On, cette allure motorik qui rejoint encore une fois Can avec le batteur Jaki Liebezeit. Et puis avec Kraftwerk, il y a cette désincarnation du musicien, la machine et le futur. J’ai l’impression que c’est ce que l’on vit tous aujourd’hui. La déshumanisation de plein de services. »

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The Sugarhill Gang, Rapper’s Delight (1979)

« Grandmaster Flash? Ce titre est inspiré du Good Times de Chic. Bon, sur notre nouvel album, je suis peut-être le responsable des guitares (c’est Antoine qui parle), en même temps il y a clairement une allusion à Nile Rodgers. Ce n’est pas vraiment le gars dont j’avais des posters dans ma chambre de gamin mais avec le temps, il est évident que Nile est le roi de la rythmique funk. Et ça n’a l’air de rien mais cette rythmique est super difficile à faire! Il y a quelque chose d’extrêmement plaisant à la jouer. Sinon, si on parle de la naissance du hip-hop, on fait encore la même chose aujourd’hui: on puise dans des trucs funk-soul, avec un titre comme le Genius of Love de Tom Tom Club qui fait le lien entre le rap et la pop. D’ailleurs, Talking Heads reste une borne magnifique. D’autant qu’on partage cette décomplexion face à la musique américaine. »

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Noé Preszow, À nous (2020)

« Pendant deux secondes, j’ai pensé que c’était Dick Annegarn. Pour la rédaction de nos textes en anglais, il n’y a vraiment aucune règle, les choses sortent de façon complètement libres, avec un côté cadavre exquis. Dans GMF, celui qui a écrit le texte chante la chanson. On teste les voix pour voir ce qui fonctionne au mieux pour le titre, et puis on décide. »

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