D’Arno à… Damso : les 1000 vies de Jean-Marie-Aerts

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Guitariste essentiel, compositeur inspiré, producteur prolifique : disparu dimanche, Jean-Marie Aerts a marqué l’histoire de la musique belge. A travers les disques de TC Matic et d’Arno. Mais pas seulement.

C’est sa femme, la photographe Miet Ongena, qui a annoncé la nouvelle dimanche : Jean-Marie Aerts est décédé à l’âge de 72 ans, « d’une longue et pénible maladie ». Considéré comme l’un des plus grands guitar hero made in Belgium (le seul ?), le musicien a également produit des dizaines d’albums. C’est surtout sa contribution majeure aux disques de TC Matic et d’Arno qui a marqué les esprits. Le gimmick métallique de Putain Putain, le riff funky indu de Oh La La, l’ambiance tango chelou d’Elle adore le noir : la patte Jean-Marie Aerts. Sa disparition arrive d’ailleurs, quasi jour pour jour, deux ans après celle d’Arno. Et trois ans, après celle de Paul Couter. Les deux étincelles d’un des plus beaux feux d’artifice de l’histoire du rock belge.

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Jean-Marie Aerts naît à Zeebruges en 1951. On pourrait croire que son jeu de guitare, volontiers bruitiste, a été influencé par l’activité industrielle du port. Mais c’est plutôt sa passion pour les avions et la fureur des moteurs de réaction qui l’ont d’abord animé (comme le raconte Gilles Deleux, dans son indispensable biographie d’Arno, aux ed. Le mot et le reste). Sa vue trop basse l’empêchera de devenir pilote. Un accident de moto, à 18 ans, le privera également d’une éventuelle carrière de footballeur. Cloué au lit, il trompe alors l’ennui avec une guitare que lui a offerte l’une de ses sœurs : Jean-Marie Aerts a trouvé sa voie.

Il forme son premier band au début des années 70 – des reprises de Cream et Jimi Hendrix. Il finit par intégrer le groupe de Raymond van het Groenewoud, qui deviendra l’une des premières véritables icônes pop-rock flamand. Plus proche de la variété, Johan Verminnen engage également Aerts durant les seventies. Dans le même temps, le côtier qui s’est posé du côté de Louvain, commence à produire. Notamment les Kreuners. Le 16 avril 1980, lors d’un concert à Herenthout, ceux-ci invitent Arno sur scène pour un morceau. En coulisses, il croise Aerts : le contact est établi.

Duo magique

Au début de la même année, Arno a acté officiellement la naissance de TC Matic. Un projet né sur les cendres de son duo avec Paul Couter (Tjens Couter). Justement, ce dernier a de plus en plus de mal à suivre son copain ostendais, tenté de tordre les racines rhythm & blues du projet, pour se rapprocher d’un son plus « métallique » et industriel. Quelques jours après leur rencontre, Arno invite donc Aerts à un concert de TC Matic (au restaurant universitaire Alma de l’Université de Louvain). Ils terminent la soirée chez Aerts et discutent ensemble toute la nuit. Le transfuge est acté : bienvenue Jean-Marie Aerts ; bye bye Paul Couter, qui s’efface sans regret (également originaire de Zeebruges, il connaît et apprécie JM Aerts).

Démarre alors l’aventure TC Matic, croisement incendiaire entre post-punk anglo-saxon et tradition musicale européenne, funk déviant et sonorités industrielles. Comme Arno, Aerts est convaincu de l’intérêt d’un rock continental, qui ne se contenterait pas de copier les idoles d’outre-Manche/Atlantique. Entre 80 et 84, le guitariste/producteur écrit ainsi avec Arno plus d’une trentaine de morceaux. Par la suite, il accompagnera également l’Ostendu au début de sa carrière solo. Il compose par exemple avec lui des tubes comme Bathroom Singer, Jive To The Beat ou Mon Sissoyen.

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La collaboration perdure jusqu’en 1993, et l’album Idiots savants. Le disque cartonne, la tournée est triomphale. Malgré cela, l’Ostendu décide de mettre fin au partenariat. A sa manière, sans donner beaucoup de plus de précision. « J’ai pas demandé d’explications, déclarera plus tard Jean-Marie Aerts. J’aurais jamais cru que ça se passerait comme ça. C’est comme si j’avais reçu un coup de Mike Tyson. »

De Bashung à Damso

Dans l’intervalle, Jean-Marie Aerts aura réussi à asseoir sa carrière de guitariste multi-facettes. En tant que producteur, il travaillera sur plus de 200 références, belges et internationales. Il dirigera par exemple la manœuvre sur l’album d’Urban Dance Squad, le groupe de rap-fusion hollandais star des années 90. Ou encore sur l’unique disque de Victoria Tibblin, en 2007. Il mettra également son grain de sel dans le Novice de Bashung ou les disques d’ Odieu, Jeff Bodart, Jo Lemaire, The Neon Judgement, Manset, etc.

Plus récemment, il a composé la musique d’Exit Above, l’une des dernières créations chorégraphiques d’Anna Teresa De Keersmaeker. Preuve de son ouverture et de son éclectisme, il a même participé à l’enregistrement de… Morose, l’un des tubes de l’album Qalf de Damso ! En 2022, il avait encore sorti Domeztik, premier album en 20 ans d’une carrière solo menée sous l’étiquette JMX.

Il y a quelques années, Jean-Marie Aerts avait fini par renouer avec Arno, apparaissant notamment dans le documentaire que lui a consacré Dominique Deruddere, quelques mois avant la disparition du chanteur. En juin dernier, le guitariste majeur, atteint d’un cancer de la prostate, était d’ailleurs sur la scène de l’Ancienne Belgique, pour l’hommage organisé pour son compagnon de route, emporté par la même maladie crasse. Putain Putain…    

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