De black panther à cowgirl: Beyoncé, en cinq coups de force

© GETTY IMAGES
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec son nouveau Cowboy Carter, Beyoncé a à nouveau réussi son coup: transformer chacune de ses sorties en grand débat socio-pop. Retour sur cinq titres emblématiques.

Il est loin le temps de la star mécanique et désincarnée. Depuis maintenant une bonne dizaine d’années, Beyoncé a muté en véritable phénomène culturel, icône puissante transformant chacun de ses disques en discussion socio-pop. Retour sur cinq titres emblématiques de cette mue savamment orchestrée, avant la sortie événementielle de son nouveau Cowboy Carter.

1. Déclaration d’indépendance – Run the world (Girls) (2011)

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Beyoncé n’a pas inventé le féminisme pop. Loin s’en faut. De Madonna à Neneh Cherry, elles sont nombreuses à avoir aligné les hits, à devenir célèbres, tout en cherchant à s’émanciper des diktats d’une industrie musicale, sinon misogyne, en tout cas phallocentrée. En fait, déjà au sein des Destiny’s Child, Beyoncé exprimait ses velléités d’indépendance. Par exemple quand le girl band chantait… Independent Women, en 2001 –“Try to control me, boy, you get dismissed/Pay my own car note and I pay my own bills”. De là à réclamer l’étiquette féministe, il restait une marge…

Sur son album solo 4, publié dix ans plus tard, Beyoncé franchit plus franchement le pas. Avec le tube Run the World (Girls), l’émancipation est à la fois musicale -le sample baile funk du Pon de Floor de Major Lazer- mais aussi sociale. Dans le clip, Beyoncé monte un cheval (déjà…), avant de prendre la tête d’une armée d’amazones, défiant la police. À partir de là, la revendication féministe n’est plus seulement une manière de tirer sur la vieille ficelle pop feignant la rébellion (dans ce qui tient précisément du carcan formaté). Elle devient un véritable motif personnel récurrent.

2. Beyoncé, féministe pop – ***Flawless (2013)

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Alors que la plupart des médias ont déjà sorti leurs tops de fin d’année et que les maisons de disque se contentent d’aligner best of et albums de Noël, Beyoncé prend tout le monde par surprise avec son album éponyme. Au tour de force marketing, correspond une vraie libération artistique. Elle est frappante sur ***Flawless, “Ne pensez pas que je suis juste sa petite femme”, clame-t-elle, la voix rauque, sur un beat trap hargneux, qui célèbre son indépendance.

Au tout début de l’album, le titre Pretty Hurts s’attarde déjà sur les injonctions esthétiques imposées aux femmes, les dénonçant pour ce qu’elles sont: une norme sociale –“perfection is a disease of a nation”. Le morceau prend cependant la forme d’une ballade. Avec ***Flawless, le message se fait plus offensif. Pour appuyer son propos, Beyoncé sample un extrait du discours de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, intitulé We Should All Be Feminists. Et termine en assurant: “I woke up like this”. Un mantra qui fera le tour du Net, slogan “empouvoirant” d’un féminisme conquérant.

3. Black power – Formation (2016)

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Seuls les plus optimistes (ou les plus naïfs?) y auront cru. Mais la présidence de Barack Obama n’aura évidemment pas mis fin au racisme en Amérique. Alors qu’il entame son second mandat, en 2013, le premier président noir des états-Unis doit même constater l’émergence d’un nouveau mouvement revendicatif: Black Lives Matter, né sur le Net, pour dénoncer les violences policières dont sont victimes les Afro-Américains. 


En février 2016, alors que démarre le Black History Month, Beyoncé sort Formation. Avec son rythme trap au ralenti et sa basse minimaliste, le morceau se pose comme un chant d’affirmation noire. Ce que Beyoncé confirme avec une vidéo qui, plus explicitement encore que la musique, assume sa charge politique. Elle y apparaît trônant sur le toit d’une voiture de police, dans une rue inondée de La Nouvelle-Orléans, après le passage de l’ouragan Katrina. Alors qu’un gamin danse devant un cordon de policiers, un graffiti implore sur un mur: “Arrêtez de nous tirer dessus”

Dans la foulée, Beyoncé interprétera le morceau lors de la mi-temps du Superbowl. à ses côtés, une troupe de danseuses noires arborant le béret des Black Panthers… Il n’en faut pas davantage pour qu’une série de politiciens conservateurs montent dans les tours. Un syndicat policier appellera même au boycott de Beyoncé. Pas de quoi décontenancer la star, qui fera de la revendication.. un t-shirt, disponible au stand merchandising de la tournée qui suivra. “If life gives you lemons, make lemonade”, qu’elle disait…

4. De mère en fille – Brown Skin Girl (2020)

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Expérimenté en 1947, le test de la poupée révélait l’effet de la domination sociale blanche sur les enfants afro-américains. Proposez deux poupées -l’une blanche, l’autre noire- à un gamin de couleur, et dans trois quarts des cas, il préférera le modèle blanc… En 2022, pour le documentaire Noirs en France, les réalisateurs avaient refait le test. Pour des résultats quasi identiques… Quand Beyoncé chante Brown Skin Girl, il dépasse donc le simple morceau tiré de la B.O. du remake en live action du Roi lion. En compagnie de Saint Jhn et Wizkid, mais aussi de sa fille Blue Ivy, elle célèbre la beauté noire. Dans toutes ses nuances, balayant toute forme de colorisme -cette tendance à favoriser les teintes de peau noire les plus claires. Notamment avec un clip dans lequel figurent aussi bien Lupita Nyong’o que la mannequin sri-lankaise Sheerah Ravindren.

5. Beyoncé sur la piste de danse – Break My Soul (2022)

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Même quand Beyoncé se pique de faire un album purement “dance”, elle réussit à l’habiller d’un “narratif” (comme on dit dans toutes les bonnes réunions de marketing). Derrière l’exubérance dancefloor, l’album Renaissance entend ainsi célébrer, voire réhabiliter, l’apport des artistes noirs à des musiques -disco, house, techno, etc.-, souvent récupérées et “whitewashées” 
par l’industrie. Surtout, Beyoncé met en avant la contribution de la communauté queer à cette culture “club”. Elle dédie ainsi l’album à son oncle Johnny, figure gay qui l’a “exposée à nombre de musiques et à une culture qui ont servi d’inspiration pour” Renaissance. Comme par exemple toute la scène ballroom, marquée par des grandes figures drag. Sur le single Break My Soul, revisitant le Show Me Love de Robin S., Beyoncé est lancée par un sample de Big Freedia. Déjà présent sur l’album Lemonade, le flamboyant rappeur queer de La Nouvelle-­Orléans allume la mèche de ce qui est devenu l’un des plus gros tubes de la chanteuse.

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