Beyoncé on top : tous les albums de la Queen

Beyoncé, reine consciente du dancefloor. © carlijn jacobs
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avant son concert belge du Renaissance Tour, ce dimanche, au Stade Roi Baudouin, retour sur la carrière de Beyoncé, avec un classement de tous ses albums solo

1. Beyoncé (2013)

Dix ans après s’être échappée des Destiny’s Child, Beyoncé a remporté son pari : s’émanciper de son premier groupe et devenir une voix solo qui compte dans la culture pop. Désormais, elle veut en prendre les rênes. Pour avoir une idée du pouvoir et de la liberté qu’a acquis Beyoncé Knowles, il faut se rappeler la manière dont elle a imaginé dévoiler son cinquième album. Le 13 décembre 2013, alors que les rayons des disquaires ont été envahis par les best of de fin d’année, Beyoncé arrive par surprise, sans prévenir.  Mieux : le disque est présenté comme un « album visuel », accompagné de 17 vidéos.

A ce tour de force marketing, correspond une vraie libération artistique. Sans tube évident, Beyoncé est un disque de r’n’b audacieux. Multicouches et libéré, il pioche aussi bien dans la soul ombrageuse (Haunted, Drunk In Love avec son Jay-Z de mari) que dans des couleurs pop plus lumineuses (Superpower, l’emphase de XO). Minaudant sur le très nineties Blow, la chanteuse se fait carrément lascive sur No Angel, voix étranglée au bord de l’orgasme.

Auparavant, Beyoncé avait besoin de deux disques pour exprimer ses paradoxes (I Am… Sasha Fierce). Aujourd’hui, elle les assume et passe de l’un à l’autre sans que ça gêne. Ballade nu soul à la D’Angelo/Prince, Rocket ne fait même pas semblant de masquer ses intentions : « Climb until you reach my peak, babe/And reach right into the bottom of my fountain », se laissant même aller à un « Punish me, please »… Plus loin, elle montre que la charge sexuelle n’est pas incompatible avec ses revendications féministes – Pretty Hurts, écrit par Sia (« It’s the soul that needs a surgery »). Une masterclasse.

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2. Lemonade (2016)

De diva r’n’b froide et distante, Beyoncé Knowles a muté en icône du féminisme pop des années 2010, figure essentielle de l’ère Obama. Ce que résume parfaitement Lemonade. Trois ans après Beyoncé, qui avait déjà bouleversé toutes les règles de l’industrie avec sa sortie-surprise, Mrs. Carter y mélange confessions intimes et affirmation afro pour stades. Furieuse, elle chante le vernis du mariage qui craque – « They don’t love you like I love you », assure-t-elle sur Hold up ; « Today, I regret the night I put that ring on« , sur Sorry. Et lance l’assaut contre le sexisme.

Alors que le mouvement Black Lives Matter prend de l’ampleur, elle charge également le racisme qui continue de gangréner la société – Formation, avec Kendrick Lamar, Don’t Hurt Yourself qui cite Malcolm X. Cette année-là, sa performance à la mi-temps du SuperBowl affiche tellement son « Black power » que la police de Miami appellera à boycotter le premier concert de sa tournée mondiale en Floride. Injonction dont Beyoncé finira par faire des t-shirts, en vente à son merchandising… « When life gives you lemon, make lemonade », répétait la grand-mère de la star. Un mantra appliqué ici à la lettre.

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3. Dangerously In Love (2003)

« Ready ? », demande Beyoncé dès les premières secondes. Pour le premier titre de son premier album solo, la chanteuse tient à marquer directement son territoire. Balancé en ouverture, Crazy In Love sonne la charge, pétaradante. Le morceau n’attend même pas le refrain pour faire vriller le riff de cuivres emprunté aux Chi-Lites (Are You My Woman (Tell Me So)).

Dernière des Destiny’s Child à se lancer en solo, Beyoncé est pressée. Elle a faim. L’anecdote veut que le lancement de Dangerously In Love a été décalé pour ne pas faire de l’ombre à Kelly Rowland, qui vient d’avoir un tube avec le rappeur Nelly (Dilemma). Un report qui aura permis à Beyoncé d’enregistrer quelques morceaux supplémentaires. Dont… Crazy In Love. Sur le morceau en question, Jay-Z est déjà là. Son flegme new-yorkais ne suffit pas à tempérer la furie de la chanteuse, qui en remet une couche à chaque refrain. Une entrée en fanfare.

Derrière, Naughty Girl cite (déjà) Donna Summer et s’appuie sur des motifs orientaux, en vogue dans le hip hop du début des années 2000, tandis que Be With You ouvre la partie ballade, en s’appuyant sur le Strawberry Letter 23 de Shuggie Otis. Juste derrière, le single Me, Myself & I permet à Beyoncé de rassurer définitivement les cœurs les plus classiquement r’n’b. Et de rajouter un tube au compteur d’un album devenu classique. Comme tout premier solo d’un artiste issu d’un boys/girls band, le narratif est clair : même si le personnel employé est pléthorique, c’est bien Beyoncé qui est aux manettes, déterminée à s’imposer. Fun fact : la version française de l’album inclut Bienvenue, le morceau d’IAM sur lequel l’Américaine vient faire une apparition. Une autre époque…

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4. Renaissance (2022)

Six ans après son dernier album (Everything Is Love, en 2018, était un disque en duo avec son mari Jay-Z, tandis que The Lion King : The Gift, en 2019, constituait la BO du film éponyme), l’Américaine frappe à nouveau très fort. Lancé par le single Break My Soul, samplant l’emblématique Show Me Love de Robin S,  Renaissance est probablement le premier de Beyoncé à ne contenir aucun titre qui ressemble de près ou même de loin à une ballade. A la place, le disque est entièrement tourné vers le dancefloor. House, disco, bounce, funk, techno, etc. : les seize morceaux bouffent goulument à tous les rateliers dance, s’enchaînant quasi les uns aux autres, sous la forme d’un grand mix. Après deux ans de pandémie, Beyoncé a une folle envie de bouger.

Pour autant, la piste de danse n’est pas qu’une simple distraction. Ou même un pur exercice de style. La Renaissance de Beyoncé met ainsi à l’honneur tout un héritage noir. De la disco (descendante de la Philly soul) à la house music (née dans les clubs gay noirs de Chicago) en passant par la techno (imaginée par des producteurs noirs de Detroit). Pour Renaissance, Beyoncé invite donc Grace Jones (sur le morceau Move). Mais aussi Nile – Chic – Rodgers, serial tubeur légendaire (Cuff It). Elle cite encore le I Feel Love de Donna Summer (Summer Renaissance). Des morceaux comme Thique ou All Up In Your Mind charrient des sonorités électroniques plus proches de la techno.

La star n’oublie pas non plus le rôle essentiel que les minorités sexuelles ont joué pour ces musiques. Et l’apport en particulier de la communauté gay ou des artistes transgenres (la présence de Big Freedia, Honey Dijon, etc). A la fois jubilatoire et réfléchi, aventureux et respectueux de ses influences, Renaissance est le disque le plus euphorique de Beyoncé. Et pour tout dire, l’un de ses meilleurs.

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5. 4 (2011)

A 30 ans, Beyoncé est l’une des plus grandes stars de la planète. Autour d’elle pourtant, les repères habituels se brouillent. Ses parents divorcent. Elle-même prend la décision de se séparer de son manager de père, présent depuis les Destiny’s Child. Conséquence directe : pour la première fois,  Beyoncé accepte de baisser un peu la garde. Un morceau comme Love On Top par exemple est sans doute l’un de ses singles le plus limpides. Puisant dans la vibe r’n’b eighties, elle trouve une forme de simplicité inédite. Un pur moment de fun. Les grands sentiments amoureux sont toujours là – 1+1, I Miss You, Best Thing I Never Had -, mais le mélo est mieux dosé, la couche de miel plus subtile.

Surtout, Beyoncé continue d’explorer – par exemple avec la rythmique de Run The World (Girls). Dans une époque où le r’n’b monopolise la conversation pop,  gagnant une nouvelle respectabilité, Beyoncé tient à apporter sa voix. Pour le clip de Countdown, elle s’ « inspirera » par exemple du travail de la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker. Un copycat avoué, tout aussi vite pardonné… Car, derrière les emprunts, la carapace commence à se fissurer…

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6. B’Day (2006)

 Beyoncé a commencé par se faire un nom avec son groupe, avant de réussir son échappée solo : il ne lui reste plus qu’à cocher la case cinéma pour parfaire sa tenue de superstar pop. Elle le fait avec Dreamgirls. Une adaptation ciné du music hall éponyme, lui-même inspiré de l’histoire des Supremes. Soit celle d’un girls band qui finit par imploser. Tiens donc… Dans la foulée du tournage, Beyoncé enregistre son deuxième disque. De l’ambiance sixties du film, il reste la coiffure en « choucroute » de la pochette (façon Amy Winehouse, qui sort cette même année son Back To Black).

Mais aussi les sonorités rétro de Suga Mama (le sample de Jake Wade and the Soul Searchers). Sur le morceau en question, elle confirme sa stature de femme, sinon féministe, en tout cas indépendante. Elle y renverse le cliché habituel : ici, c’est bien le mari qui vit au crochet de la sa femme, homme-objet assujetti au désir de son épouse. « Take it off while I watch you perform », minaude Beyoncé…    Jay-Z n’est d’ailleurs pas très loin. Comme sur Dangerously In Love, il ouvre l’album avec un autre titre marquant, gonflé aux cuivres chauffés à blanc. Intitulé (ironiquement ?) Déjà Vu, il prendra encore plus d’ampleur sur scène. Il faut (re)voir Beyoncé danser et rugir telle une furie, avec autant d’extase que de maîtrise. Affolant.

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7. I Am… Sasha Fierce (2008)

Entre les morceaux de bravoure uptempo et son goût des ballades, glissant parfois dangereusement du côté de la variétoche, Beyoncé ne veut plus trancher. I Am… Sasha Fierce est présenté comme un double album, permettant aux deux facettes de l’artiste – la chanteuse intimiste d’un côté (I Am), son double scénique féroce de l’autre (Sasha Fierce) – de s’épanouir pleinement. A la réécoute, l’essai a plutôt mieux vieilli qu’on ne le pensait. En outre, il contient son lot habituel de hits, devenus entre-temps classiques du répertoire de la chanteuse – Single Ladies (Put A Ring On It), If I Were A Boy ou Halo, décliné à l’infini dans tous les télécrochets Endemol de la planète. Malgré cela, il reste toujours ce projet un peu boiteux. L’aveu d’échec d’une star qui peut certes tout faire, mais qui n’arrive pas vraiment à définir plus clairement son propos.  

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