Un singe à ma fenêtre

© National

Olivia Rosenthal se rend au Japon pour enquêter sur les répercussions des attentats au gaz sarin perpétrés 25 ans plus tôt dans le métro de Tokyo. Elle souhaite explorer la mémoire des événements traumatiques, les souvenirs qui s’y greffent. Le protocole choisi consiste à aller à la rencontre de témoins indirects mais, sitôt le pied posé sur le sol japonais, le projet semble lui échapper. Faute de souvenir précis, les personnes interrogées se rappellent uniquement des images tournant en boucle sur les chaînes d’info. Entre découragement et exaspération, l’autrice comprend qu’il lui faut apprendre à se délester de toute attente pour se laisser gagner par la ville, le pays, sa société calme. “Le mot attentat de toute façon n’existait pas en japonais, on lui préférait le mot plus inoffensif d’événement ou d’incident.” Comment passer d’une culture à l’autre, rendre compte de l’intraduisible? Capturant combien son sujet lui échappe, Rosenthal ne cesse d’entremêler les strates entre réel et fiction qui grouille à la marge (elle y défend notamment le projet du livre face au jury de sa résidence d’écriture). Dès lors qu’elle s’emploie à laisser advenir le manque, elle fait sourdre combien les principales étapes de notre existence se dissolvent dans le vide et le non-dit. Articulant un adieu à nos disparus, le livre se parcourt comme la narratrice traverse son séjour: en somnambule inquiète. Une fois coulé dans son rythme, on égrène son chapelet de questions sur les failles qui nous constituent et nous révèlent.

D’Olivia Rosenthal, éditions Verticales, 176 pages.

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