Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Activiste indépendantiste, prisonnier torturé, braqueur de banques, écrivain: l’Irlandais Sam Millar se raconte dans On the Brinks. Sombre et fort.

On the Brinks

de Sam Millar, éditions du Seuil, traduit de l’anglais (Irlande) par Patrick Raynal, 360 pages.

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Une vie comme ça, ça ne s’invente pas. Ou on aurait en tout cas bien du mal à y croire, tant il y a d’existences et d’histoires différentes dans celle de Sam Millar. Résumons-la vite: Samuel Millar est né à Belfast en 1958, de parents catholiques mais avec un grand-père protestant, « Orange-man » et fanatisé… Le 30 janvier 72, il fait partie de la foule de manifestants mitraillée par les militaires britanniques -le fameux « Bloody Sunday », qui fera treize morts. Millar a quatorze ans. Trois ans plus tard, son militantisme irlandais le conduit à la prison de Long Kesh, pour huit années d’emprisonnement et de pure horreur en tant que « Blanketman », Irlandais refusant d’endosser l’uniforme de prisonnier de droits communs. A sa sortie, il s’exile, illégalement, aux Etats-Unis et à New York, où il intègre la mafia irlandaise, devient croupier de casino, gérant de librairie BD et bientôt braqueur de banques, pour l’une des plus fameuses affaires de banditisme outre-Atlantique: le casse de la Brink’s de Rochester en 1993, où plus de sept millions de dollars seront dérobés. Millar et ses complices seront rapidement retrouvés, contrairement à l’argent, et Millar envoyé en prison, américaine cette fois. Il y tirera cinq ans avant d’être gracié par Bill Clinton et renvoyé en Irlande, avec ordre de ne plus jamais revenir aux USA. De retour à Belfast, Sam Millar se met à écrire des polars, rapidement couronnés de succès, au point de devenir désormais une référence de la littérature noire et verte… Non, une vie comme ça, ça ne s’invente pas: elle donne en tout cas corps à l’un des polars les plus puissants de l’année, et lance merveilleusement la carrière de Millar aux éditions du Seuil.

Bientôt à l’écran

Des sept romans d’ores et déjà écrits par Millar (dont la série Karl Kane, en cours), seuls deux, publiés par Fayard, étaient jusqu’à présent arrivés jusqu’à nous: Poussière tu seras et Redemption Factory. Le rythme devrait désormais s’accélérer avec ce changement de crèmerie éditoriale, l’influence de Patrick Raynal, son traducteur et éditeur, et le succès, énorme, de cette biographie qui ressemble à ses romans: des chapitres courts, un style concis et volontiers elliptique, un cynisme drôle et typiquement irlandais, mâtiné d’une noirceur implacable et d’une colère toujours vivace. On pense évidemment à Edward Bunker, autre ancien criminel devenu (grand) auteur de polars, en lisant les souvenirs de Sam Millar, une solide dose de malaise en plus: l’auteur passe sous silence de nombreux moments-clés de son passé de militant et de bandit, et des aspects moins clinquants de sa personnalité de survivant, s’arrogeant souvent le bon rôle. Les studios d’Hollywood ne s’y sont pas trompés: Warner a déjà acheté les droits. De quoi faire, sans doute, un excellent polar. Plus vrai que nature.

Olivier Van Vaerenbergh

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