Capital & idéologie

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D’aucuns considèrent que les adaptations en bande dessinée relèvent de l’inceste et qu’il faut les bannir. Il y a pourtant un genre où la BD peut être d’un grand secours: l’essai économique. Si le sujet paraît rébarbatif, force est de constater que l’adaptation du Capital & idéologie de Thomas Piketty par le tandem Alet/Adam est une réussite. Cela tient à deux éléments: la scénariste Claire Alet a choisi d’incarner son sujet en élaborant l’arbre généalogique d’une famille française sur huit générations, rendant par-là les concepts économiques digestes pour les néophytes. Le deuxième point est le graphisme clair de Benjamin Adam, féru de typographie et… de graphiques. L’essai remonte aux sources de notre société inégalitaire et pose la question de comment, depuis la Révolution française, les nantis ont perdu petit à petit leurs privilèges et leur fortune. Mais également comment ils se sont arrangés depuis lors pour en récupérer un maximum sous divers prétextes. Par exemple (liste non exhaustive): à la chute de l’Ancien Régime a notamment été créé le cadastre, qui a permis aux propriétaires terriens de récupérer leurs biens après la Révolution. Ou encore l’abolition de l’esclavage qui, sous des dehors humanitaires, arrangeait les propriétaires: mieux valait “payer” des ouvriers qu’“entretenir” des esclaves. Enfin, la perte des colonies, négociée contre compensations financières, que les nouveaux pays continuent encore pour la plupart à rembourser… Le trait simple et l’humour (noir?) contribuent à adoucir les passages rudes ainsi que certains concepts économiques nébuleux. En conclusion, cette bande dessinée poussera les curieux à approfondir le sujet. Les autres auront déjà un aperçu du fonctionnement de notre “belle” société…

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De Claire Alet et Benjamin Adam d’après Thomas Piketty, éditions du Seuil, 176 pages.

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