Critique | Livres

Rosa Mogliasso déroule le mode d’emploi du polar

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Rosa Mogliasso, éditions Finitude

L’Irrésistible Appel de la vengeance

256 pages

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© National
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Rosa Mogliasso mêle dans un même roman drôle un atelier d’écriture, le polar qu’il fait naître et le B.A.-BA du métier! Instructif et bluffant.

Amanda, autrice de polar un peu has been, portée sur le gin et surtout en manque d’inspiration, joint les deux bouts en tenant un atelier d’écriture dans une librairie de Turin. Elle y retrouve chaque semaine un petit groupe hétéroclite et en réalité très archétypal: un joueur de tennis aux (petits) airs de Brad Pitt, un jeune espoir littéraire, un vieil amateur de livres, une agente immobilière “catégorie MILF” et même l’agent littéraire d’Amanda, Vanessa, qui n’a visiblement rien de mieux à faire. Amanda leur distille ses bons conseils en matière de polar et de littérature criminelle -“Il faut au moins deux cadavres; les adverbes ne sont pas vos amis; quand vous ne savez pas continuer, insérer un obstacle”- et surtout les invite à écrire, ensemble, leur propre roman à suspense, plein de “cliffhanger” et de “plot twist”.

Un roman qui va se laisser découvrir chapitre par chapitre dans L’Irrésistible Appel de la vengeance, tous commentés par la petite troupe. Soit le récit choral et très “agathachristien” d’une croisière sur un bateau de luxe où tous les clichés du genre se devaient d’embarquer: le trio mari-épouse-maîtresse, le détective privé, les fausses pistes et bien sûr, le meurtre. Mais comme tous les auteurs, novices ou chevronnés, ceux d’Amanda -malgré son envie de “tous vous dénarcissisés”- ne pourront évidemment s’empêcher de parler d’eux derrière leurs personnages. Se met alors en place un déroutant mais formidable roman-gigogne, qui demandera une double voire triple lecture. Dans cet Irrésistible Appel, les leçons d’Amanda résonnent dans chaque phrase écrite par l’autrice italienne Rosa Mogliasso: “Souvenez-vous que la fiction doit être toujours plus vraie que la vérité elle-même, seule la réalité peut se permettre de ne pas posséder un sens ou une logique interne”.

Miroir et mille-feuille

Le principe du “roman dans le roman”, passionnant lorsqu’il est bien amené, n’est évidemment pas rare dans la littérature policière, et latine en particulier -on en lisait récemment d’excellents exemples chez Juan Sasturain (Le Dernier Hammett) ou Leonardo Padura (Ouragans tropicaux). Mais Rosa Mogliasso, maligne et douée, use ici de l’un (le roman dans le roman) pour peu à peu éclairer l’autre (le roman en lui-même), dans un jeu de miroirs qui ne se découvre et ne se comprend qu’au terme de ce voyage dans les rouages de l’art d’écrire un polar. Un périple qui s’avérera au final bien plus vénéneux et subtil que ce que son ironie sarcastique ne le laissait paraître. Et ce, comme Amanda le reproche beaucoup à ses ouailles et à leur roman en friche, même si “le moment du crime se fait vraiment attendre. Il nous faut le mort. Activez-vous!

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