Critique | Livres

[La BD de la semaine] L’Homme qui courait après sa chance: la baraka selon Pozla

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L’auteur bien trop rare du Carnet de santé foireuse revient à la BD après cinq ans d’absence. Un retour surprenant, dans le conte et le récit jeunesse.

Il était une fois un homme qui n’avait pas de chance. En une journée et six planches, tout s’écroule autour de lui: « Je suis en train de parler à un escargot, je n’ai plus de poules, ma récolte est foutue, je suis trempé, j’ai faim, j’ai pas un sou, et je rentre encore tout seul du bal! J’en ai marre!« , dit-il en frappant un arbre… qui s’abat sur sa maison. Non, cet homme-là n’a pas de chance, et va donc faire comme lui dit l’escargot: aller voir un vieil ermite, là-haut dans la montagne, qu’on appelle « celui-qui-sait-tout », et qui fera une prophétie à notre anti-héros. Lequel apprendra, non sans douleur, qu’il y a ceux qui n’ont pas de chance, et ceux qui ne savent pas la saisir. Et que peu de planches, hélas, séparent l’homme qui courait après sa chance du plus grand des imbéciles au monde…

[La BD de la semaine] L'Homme qui courait après sa chance: la baraka selon Pozla

Enfants gâtés

La collection jeunesse des éditions Delcourt porte bien son nom en regard de ce nouvel album de Pozla: ceux qui se le feront offrir seront effectivement des « enfants gâtés », tant l’artiste est rare et décidément précieux. La dernière fois, c’était il y a cinq ans, pour un Carnet de santé foireuse qui fit date, et dans lequel le jeune auteur, formé au graffiti et à l’animation, racontait en dessins et dans un imposant roman graphique tous les détails de sa maladie de Crohn. Un ouvrage qui lui valut la reconnaissance de ses pairs à Angoulême, auréolé d’un prix spécial. Cette autofiction contemporaine n’a donc rien à voir avec cet Homme qui courait après sa chance, fiction médiévale qui tient cette fois en 32 pages seulement, dans un format de conte pour enfants, et que l’auteur dédie d’ailleurs à ses rejetons. Mais qu’on se rassure: pas besoin d’être un enfant pour apprécier pleinement ce récit qui nous rappelle le travail de Winshluss, auteur entre autres de Dans la forêt sombre et mystérieuse. Ce formidable récit graphique se nourrissait de tous les acquis du dessinateur dans la BD alternative ou adulte pour s’adresser comme rarement, et sans cynisme aucun, à l’oeil et à l’intelligence des plus jeunes. À son tour, Pozla mêle un dessin humoristique très maîtrisé et très expressif à de grands décors parfois somptueux, dans lequel sa narration sans cases fait des merveilles, et emporte le lecteur, petit ou grand, dans un univers tragi-comique. L’auteur nordiste se partageant encore entre le street art et son boulot d’animateur appris à l’école des Gobelins (et qui s’est déjà exprimé dans des productions comme Les Lascars, Le Chat du rabbin ou Ernest et Célestine), on espère ne plus attendre cinq ans avant de pouvoir rouvrir un de ses albums. Ce serait, pour le coup, vraiment pas de chance.

L’Homme qui courait après sa chance, de Pozla, éditions Delcourt, 32 pages. ****

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