Quand le King faisait son cinéma

Entouré de gardiens et de codétenus dans Jailhouse Rock. © BELGAIMAGE
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Passionné d’écrans, Elvis s’y est aussi affiché. Le cinéma, visant le public ado, était assurément preneur.

Personne n’a oublié la scène. Perché dans un décor de praticables figurant une prison stylisée, Elvis Presley se déhanche en tee-shirt rayé, les pouces dans le jeans serré. Il chante, entouré de gardiens et de codétenus, sur le rythme syncopé d’un riff accrocheur. C’est la « boum » au pénitencier! Le King bouge à merveille dans ces images de Jailhouse Rock, le plus connu de ses films. Nous sommes en 1957 et c’est le troisième de ses 33 longs métrages, après l’appétissant Love Me Tender et le plus anecdotique Loving You. Elvis a 22 ans, il fait hurler les filles et donne des complexes aux garçons. Par sa voix superbe, sa gestuelle sexy (à la télé, on le filme en plan rapproché, au-dessus de la ceinture, pour rassurer les parents, les censeurs aussi et surtout). Mais également par sa présence rayonnante, dont Hollywood a compris tout le potentiel. L’industrie du cinéma subit déjà la concurrence de la télévision qui s’installe dans les foyers. Et elle voit dans l’émergence du rock’n’ roll une belle opportunité de séduire un public adolescent déjà sous le charme des rebelles James Dean et Marlon Brando. Elvis est une star, un chanteur épatant. Il est aussi blanc (pas comme Chuck Berry ou Little Richard), propre sur lui (plus qu’Eddie Cochran), beau (ce que ne sont ni Bill Haley ni Gene Vincent), et affiche une morale exemplaire (alors que Jerry Lee Lewis drague les minettes à peine pubères). Bref, il est parfait!

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Formule et frustration

Il est blanc, propre sur lui, beau, et affiche une morale exemplaire

La puissante 20th Century Fox dégaine donc la première, dès 1956, avec Love Me Tender, un western dont la bande originale (avec la chanson titulaire) cartonne immédiatement. Les films suivants seront écrits autour d’un personnage de chanteur, justifiant des prestations musicales au coeur même de l’action. Elvis dira plus tard que King Creole (1958) est le meilleur. Le scénario avait été destiné à James Dean, tragiquement décédé au volant de sa Porsche 550 Spyder en septembre 1955. Il est retouché pour le King, interprétant un personnage de jeune gars devant quitter ses mauvaises fréquentations pour se consacrer à sa passion de chanteur rock’n’roll. Les scripts de ses films n’auront jamais rien de spécial, l’objectif étant surtout de capitaliser sur sa célébrité musicale tout en se gardant de le soumettre à un défi trop exigeant pour sa technique d’acteur pas forcément immense. Qu’il ait été crédible, et même souvent très séduisant, dans ces purs véhicules, est tout à l’honneur d’un Elvis devenu conscient des limites de sa popularité cinématographique lorsque les films s’éloignaient de la formule « chanteur à l’écran ». Les flops de Flaming Star (1960) et Wild in the Country (1961) avaient de toute façon convaincu les studios qu’il fallait se cantonner à ce qu’aimaient les fans. Le King en conçut beaucoup d’amertume, lui qui se voyait marcher sur les traces de Brando. Il dénonça les choix surtout financiers de ses managers. Et il attendit un peu impatiemment la fin des 16 (seize!) contrats signés avec Hollywood par son imprésario, le fameux colonel Parker, pour reprendre le chemin de la scène, où il allait s’épanouir définitivement.

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