Penélope Cruz: « Il faut une certaine liberté pour arriver à l’essence d’un individu »

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Trois questions à Penélope Cruz, interprète de Virginia Vallejo, maîtresse de Pablo Escobar et auteure de l’ouvrage Loving Pablo, Hating Escobar, dont est inspiré le film Escobar.

Avez-vous rencontré Virginia Vallejo afin de modeler votre personnage?

J’ai préféré ne pas la rencontrer, parce que je voulais garder certaines questions en suspens. Je l’ai abordée avec respect mais sans l’idéaliser. J’ai cherché à comprendre le type de disposition d’esprit pouvant amener à avoir une liaison avec quelqu’un comme Pablo Escobar, même si l’homme qu’elle a rencontré n’était pas celui qu’elle a connu cinq ou dix ans plus tard. Néanmoins, elle pouvait déjà flairer le danger. Mais elle explique dans son livre que la façon dont il gagnait son argent lui importait peu, parce qu’il construisait des logements pour les pauvres. Elle a préféré détourner le regard. Par ailleurs je disposais de centaines voire de milliers d’heures de matériel, où elle est interviewée ou interviewe elle-même d’autres gens. Elle s’y exprime sur tous les sujets, ce qui m’a permis de construire ma propre interprétation sans être dans l’imitation: il faut une certaine liberté pour arriver à l’essence d’un individu.

Qu’est-ce qui vous a fascinée en elle?

C’est une femme très complexe, comme si elle en concentrait plusieurs en une seule. Dans certaines interviews, on voit qu’il s’agit d’une femme éduquée, une professionnelle qui connaissait le succès dans sa carrière de journaliste, et savait se faire respecter dans un milieu d’hommes -plus encore à l’époque qu’aujourd’hui. Elle était admirée, charmante et intelligente, mais pouvait aussi déclarer « je sais qu’il m’aime, parce qu’il dépense des sommes folles pour moi », faisant allusion à l’avion privé qu’il affrétait chaque week-end pour la voir; remarque qu’elle formulait sur le même ton que si elle parlait de politique. Je n’ai pas voulu la juger, mais c’est fascinant à jouer, parce qu’il ne s’agit pas d’une bimbo, ni de quelqu’un ignorant de quoi il retourne.

Jouer face à votre mari, Javier Bardem, rend-il les choses plus simples?

C’est plus simple en un sens, mais aussi plus délicat, en particulier avec des personnages comme ceux-là, qui sont extrêmes et complexes, et pour lesquels nous avons des scènes dures et difficiles ensemble. Dieu merci, nous ne ramenons pas nos personnages à la maison -en particulier dans un film comme Escobar. Cela reste une fiction, et j’essaie de revenir autant que possible à la réalité. Plus je suis stable dans ma réalité, plus je peux sauter profondément dans la fiction, y aller à fond en sachant que plus tard, j’en ressortirai. C’est une sorte de sécurité afin de pouvoir sauter sans filet.

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