Critique | Cinéma

L’Été dernier: Léa Drucker au centre d’un portrait de femme en zones troubles

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© National
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Titre - L'Été dernier

Réalisateur-trice - De Catherine Breillat

Casting - Avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin.

Durée - 1h44

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Catherine Breillat passe au scalpel la liaison entre une mère de famille et son beau-fils adolescent. Un portrait de femme tout en zones troubles…

On avait laissé Catherine Breillat sur Abus de faiblesse, un film inspiré de l’escroquerie dont la cinéaste, rendue hémiplégique par un AVC, avait été l’objet. Dix ans plus tard, on la retrouve derrière la caméra pour L’Été dernier, remake très personnel du drame danois Queen of Hearts, de May el-Thouky. Reprenant le rôle tenu à l’origine par Trine Dyrholm, Léa Drucker (lire son interview) y incarne Anne, brillante avocate pénaliste spécialisée dans la défense de mineurs victimes d’abus sexuels. Une quadragénaire d’un abord un peu raide, vivant dans le confort bourgeois d’une famille recomposée avec Pierre (Olivier Rabourdin), son mari homme d’affaires, et Serena (Serena Hu) et Angela (Angela Chen), leurs deux filles adoptives. Cocon que rejoint à la faveur de l’été Théo (Samuel Kircher), 17 ans, fils d’un premier mariage avec qui son père souhaiterait renouer alors qu’il file, selon toute apparence, du mauvais coton. Entre l’ado rebelle et arrogant et sa belle-mère, les relations sont d’abord tendues. Insensiblement pourtant, la distance s’estompe. Et le désir d’affleurer, irrésistible, auquel ils s’abandonnent bientôt, sans plus de prudence que de souci des convenances…

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La tentation de la chute

De cette liaison adultérine incestueuse, la réalisatrice de Une vraie jeune fille tire un film éminemment troublant, la lumière de l’été y embrasant les corps, tandis que Breillat filme au plus près des peaux et des visages la passion qui s’épanouit, sensuelle et voluptueuse. Elle adopte aussi le point de vue exclusif d’Anne, une femme à l’écoute de son désir, fût-il transgressif. Le portrait qui s’ensuit est fascinant, L’Été dernier s’avançant en zones troubles tandis que son personnage central se dévoile dans toute sa complexité, d’humeur égale dans la passion interdite comme dans l’exercice rigoureux de son métier; d’un même aplomb dans le défi à l’ordre moral et dans le déni cynique. Un rôle délicat, dont Léa Drucker, stupéfiante, réussit à restituer toutes les nuances tout en préservant son ambiguïté, le pouvoir de séduction intact en dépit de la cruauté objective.

Ce cap ambigu, Catherine Breillat le maintient elle aussi tout du long, se gardant du moindre jugement moral alors que son propos se referme sur un final intensément perturbant. Et la cinéaste de livrer, tout en vigueur et en tension retrouvées, un film d’une dérangeante beauté, la passion amoureuse y tutoyant le malaise jusqu’au vertige. Celui dont Anne observait: “Le vertige, c’est pas la peur de tomber, c’est la peur de la tentation irrépressible de la chute…On ne saurait mieux dire.

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