Critique | Cinéma

L’Autre Laurens, histoire du grand effondrement

4 / 5
© WRONG MEN/CHEVAL DEUX TROIS
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Titre - L'Autre Laurens

Genre - Polar

Réalisateur-trice - Claude Schmitz

Casting - Avec Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Kate Moran

Sortie - En salles le 18 octobre 2023

Durée - 1 h 57

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Claude Schmitz revisite le genre (policier) et questionne les genres (masculin-féminin) dans un film jouant avec brio de la figure du double.

Avec L’Autre Laurens, le Bruxellois Claude Schmitz (son interview ici), réalisateur de l’excellent Braquer Poitiers ou encore de Lucie perd son cheval, investit une dramaturgie beaucoup plus ample, plus complexe et plus romanesque que dans ses précédents films afin de pirater de l’intérieur, et à l’européenne, des figures archétypales (détective privé, femme fatale, flics corrompus, motards mafieux…) propres à un certain cinéma de genre américain. Gabriel Laurens (excellent Olivier Rabourdin), un détective bourru et fauché spécialisé dans les affaires d’adultère, y accepte d’enquêter sur la disparition de son frère jumeau à la demande de sa nièce, Jade (la révélation Louise Leroy). Il quitte alors Bruxelles pour la région de Perpignan, près de la frontière espagnole, où il découvre tout un univers friqué et interlope sur lequel plane l’ombre dominatrice de son frère. Suivi notamment par un duo de flics assez burlesques qui observent et commentent l’action à la manière de véritables spectateurs à l’intérieur même du film (Francis Soetens, grand habitué du cinéma de Schmitz, et le guitariste et chanteur Rodolphe Burger, hilarant dans son premier vrai rôle à l’écran), il va se retrouver confronté à ses propres démons et ses propres contradictions…

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Double impact

Jouant avec brio de la figure du double, jusqu’à l’indécision la plus totale, le film donne à contempler entre les lignes de son scénario sinueux et retors les derniers soubresauts d’un monde vieillissant, capitaliste et patriarcal, en train de s’effondrer. Tout comme les deux tours jumelles du World Trade Center, explicitement convoquées à l’écran, ont pu le faire en leur temps. Littéralement encerclée par des hommes qui lui veulent soi-disant du bien mais conservent surtout une vision singulièrement étriquée de ce que peut être une femme, le personnage de Jade, lassée par toutes ces copies conformes de pères et un système mortifère et toxique qui n’en finit pas de se reproduire, y incarne indéniablement l’espoir d’un changement possible, la sortie tant désirée d’un éternel labyrinthe de malheurs.

C’est dans cette brèche lumineuse et rebelle que s’engouffre avec humour, intelligence et générosité un film aux allures de conte noir qui soigne ses atmosphères et ses personnages aux fortes gueules et personnalités. Inscrit au cœur d’une véritable topographie de western marquée par le motif de la frontière, celui-ci mélange les langues, les cultures et les références et mute en objet transgenre où le naturalisme s’efface peu à peu pour laisser place à une fascinante dimension nocturne et fantasmatique gavée de couleurs chaudes et sensuelles.

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