Critique | Cinéma

Boiling Point, un plan-séquence dans l’intensité d’une cuisine de restaurant

3,5 / 5
Stephen Graham (à droite) incarne un chef au bord de l'implosion dans Boiling Point. © National
3,5 / 5

Titre - Boiling Point

Genre - Thriller

Réalisateur-trice - Philip Barantini

Casting - Stephen Graham, Vinette Robinson

Sortie - cinema

Durée - 1h32

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Tourné en un unique plan-séquence, Boiling Point, du réalisateur britannique Philip Barantini, plonge le spectateur dans le tourbillon d’un restaurant. Un film cuit à point.

La cuisine, Philip Barantini connaît. Acteur depuis quelque 25 ans, avec des rôles dans les séries Band of Brothers ou Chernobyl notamment, le natif de Liverpool a surtout mangé de la vache enragée. Au point de devoir doubler ses prestations de comédien d’un emploi dans la restauration. Devenu réalisateur au tournant des années 2020, il a mis cette expérience à profit dans Boiling Point, son deuxième long métrage, une plongée en temps réel dans un restaurant par un soir de grande affluence, sur les pas d’un chef au bord de l’implosion. Explications.

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Dans quelle mesure Boiling Point est-il inspiré de votre propre expérience?

Tout le film découle de mon expérience personnelle. J’ai été chef pendant douze ans: n’ayant pas tellement de succès comme acteur, j’ai dû trouver un second boulot pour nouer les deux bouts. J’ai commencé au bas de l’échelle, en cuisine, et puis j’ai tracé ma voie, jusqu’à devenir chef. Tout ce que l’on voit dans le film est donc basé sur ma propre expérience ou sur des choses dont j’ai été témoin. La fonction de chef est extrêmement stressante, et épuisante, aussi bien mentalement que physiquement. On travaille dans des lieux très animés, et il faut répondre aux exigences des clients. Si la moindre chose foire, le reste suit, dans un effet domino, et tout peut partir en vrille. Il faut donc être incroyablement organisé, et rester aussi calme que possible en toutes circonstances parce qu’il faut également diriger l’équipe. C’est donc un travail sous haute pression, même s’il ne s’agit jamais que de nourriture, on n’est pas occupés à sauver des vies.

Philip Barantini
Philip Barantini © GETTY IMAGES

On peut voir votre film comme une métaphore d’un monde qui met les individus toujours plus sous pression…

Absolument, Boiling Point parle de ce stress et de cette pression que les individus subissent au quotidien. Les gens dissimulent leur insécurité et leurs problèmes. Nous portons tous deux masques: celui qui nous sert de façade, et l’autre, privé. Et nous ne savons pas ce par quoi chacun passe au quotidien: nous sommes tous confrontés à des situations différentes, ce que le film essaie aussi de refléter à travers sa palette de personnages. Même si on ne les voit qu’un court moment, je tenais à ce qu’ils aient tous une épaisseur, et que les spectateurs s’interrogent sur leur vécu.

Pourquoi avoir choisi de tourner votre film en une seule prise continue?

Pour faire ressentir au spectateur la pression d’une soirée dans un restaurant de la perspective de la salle mais aussi de la cuisine. Je voulais que le film soit en temps réel, vrai, viscéral et non-stop, afin que l’on ne puisse pas détourner les yeux de l’écran, et que les spectateurs soient presque comme les passagers d’un train. Avec cette idée que, quand on travaille dans la restauration, entre le moment où les portes s’ouvrent et la fermeture, ce n’est qu’une prise, on ne peut pas s’arrêter, il faut continuer à aller de l’avant.

Comment avez-vous mis ce concept en œuvre?

Nous avons répété trois semaines avec les acteurs, et avant cela, j’avais passé autant de temps avec le chef-opérateur dans le restaurant où nous avons tourné pour nous familiariser avec l’environnement, prendre possession de l’espace et répéter les mouvements de caméra. Les acteurs nous ont rejoints par la suite, et nous avons répété par étapes: on faisait une partie, avant de reprendre au début, puis les parties une et deux avant de recommencer, puis on enchaînait avec la troisième. Nous avons construit le film par niveaux, jusqu’à ce que les acteurs et le cameraman l’aient enregistré dans leur mémoire musculaire, afin de pouvoir être dans le moment.

C’est vraiment une prise unique, sans raccords cachés?

Il n’y en a pas, non, c’est vraiment une seule prise. Au départ, quand nous avons décidé d’un tournage avec un seul plan-séquence, nous nous étions donné quatre nuits, avec deux prises chaque soir, soit huit au total. Le film a été tourné en mars 2020, c’était le début du Covid, et les producteurs m’ont appelé après la première nuit pour me dire que le tournage devrait s’achever le lendemain, parce que la situation devenait angoissante. Nous avons donc tourné le film en deux nuits, quatre prises en tout, dont nous avons utilisé la troisième.

Le secteur de la restauration a été très affecté par le Covid. A-t-il retrouvé des couleurs en Grande-Bretagne?

La situation s’améliore, mais la Grande-Bretagne n’a pas seulement souffert du Covid mais aussi du Brexit, qui n’a fait qu’amplifier la pression sur le secteur de la restauration. Beaucoup de fantastiques travailleurs ont été amenés à quitter le pays, ce qui est franchement désolant. Le Brexit n’a pas seulement affecté l’industrie de la restauration, mais la Grande-Bretagne dans son ensemble. La situation qu’il a engendrée est scandaleuse.

D’où vous vient votre penchant pour la gastronomie?

Mon grand-père était chef, et mon cousin également. Enfant, j’allais chez mon grand-père, et il était toujours occupé à cuisiner. Je m’installais à ses côtés et je l’aidais en lavant des trucs, ou écossant les petits pois. La nourriture a toujours été une grande passion. C’est pour cela que j’ai voulu rentrer dans l’industrie de la restauration, parce que c’est un terrain très créatif, comme peut l’être le fait d’être acteur. Pour moi, c’est le même type de concept: on crée quelque chose à partir de rien, comme on le fait en mettant en scène ou en jouant, n’importe quelle activité créative, en fait.

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