Critique | BD

[la bd de la semaine] Voleuse, de Lucie Bryon: amour et sororité

3,5 / 5

Lucie Bryon, Sarbacane

Voleuse

208 pages

3,5 / 5
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Entre récit feel good et romance young adult, le premier roman graphique de la Française Lucie Bryon confirme la naissance d’une autrice.

Ella est la meilleure amie de Leslie, mais n’a d’yeux que pour Madeleine, une autre de ses camarades de classe. Elle  » bulle, bave et fantasme » sur celle-ci, sans jamais avoir osé lui parler et encore moins lui déclarer sa flamme. Or, voilà qu’un matin, Madeleine sonne à sa porte pour lui annoncer qu’elle aussi ne lui est pas indifférente. Que du bonheur! Sauf que ce matin-là justement, Ella s’est réveillée entourée de bijoux et d’objets coûteux qui ne lui appartiennent pas, et dont elle ne sait plus rien: c’est le black-out total après la soirée beaucoup trop arrosée de la veille dans l’énorme villa d’un inconnu sans doute un peu toxique, et qui avait invité large. La jolie Madeleine, elle, se souvient par contre très bien du cambriolage qu’elle a subi la veille, et de tout ce qu’on lui a volé… La romance entre Madeleine et Ella, et la « bromance » entre Ella et Leslie, survivront-elles à cet imbroglio? Les vieux lecteurs hétéros arc-boutés sur leurs acquis et leurs repères s’en ficheront sans doute un peu -mais ils auraient bien tort: il y a ici tous les ferments d’une nouvelle bande dessinée, en plus d’un excellent album et d’une histoire fichtrement bien racontée.

Influences graphiques multiples

Comme Lucie Bryon nous l’a expliqué au festival d’Angoulême, « j’ai voulu faire la BD que j’aurais voulu lire adolescente » et qui alors, il n’y a pas si longtemps (Lucie a 31 ans), n’existait pas. Des histoires « qui prennent très au sérieux les choses qu’on considère ensuite comme pas du tout sérieuses, telles la romance ou l’amitié« , qui n’étaient jusqu’ici que traitées dans le manga, et qui ne font plus de l’homosexualité un sujet, mais juste un état de fait non problématique. Le tout dans un album qui se veut profondément bienveillant, et nourri de multiples références graphiques: le manga et le shonen bien sûr, mais aussi le comics, la BD indépendante ou cette bonne vieille BD franco-belge qui n’a pas que du mauvais: Lucie Bryon, passée par Saint-Luc à Bruxelles, sait construire un récit, manier la typo, chiader ses dialogues ou user de la couleur comme une arme narrative, dans une bande dessinée décomplexée, purement fictionnelle et pourtant très sincère, capable de serrer le coeur de tous les ados d’aujourd’hui. Du pur young adult féminin et féministe comme sait si bien le faire le manga, et comme la BD franco-belge s’en avérait jusqu’ici quasiment incapable. Comme le fait de consacrer 200 pages à « une histoire qu’on prend plaisir à lire et qui fait du bien, et qui ne se sent pas obligée de parler de guerre ou de trauma familial« . Quelque chose nous dit que Lucie Bryon a de l’avenir dans la BD, et le young adult aussi.

[la bd de la semaine] Voleuse, de Lucie Bryon: amour et sororité

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