Pukkelpop: bile en tête

Ho99o9 © Wouter Van Vaerenbergh
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Hip hop extrême, rock en colère. Loin des mièvreries de Mumford and Sons, le Pukkel a craché sa bile. Shame, Ho99o9, Death Grips… Chaos technique.

Ce samedi, au Pukkelpop, il faut prendre l’ascenseur. Pas la Tower View, cette attraction qui grimpe 80 mètres au-dessus de la plaine et offre une vue imprenable sur les lieux. Non. C’est juste au Lift, la plus petite salle (peut-on encore parler de chapiteau?) du festival limbourgeois, que les choses se passent. This is England… Il y a du punk et du post punk, du Madchester et même de la Britpop dans l’ADN de Shame. The Fall (Mark E Smith est définitivement un de leurs héros), Wire, les Happy Mondays et même un petit peu d’Oasis (les bras derrière le dos, le chant branleur…) coulent là, quelque part, dans ces veines, planqués sous une peau pâlotte de jeune Anglais en colère. Chant scandé. Musicos surexcités. Shame doit beaucoup au charisme de son leader Charlie Steen, à ses attitudes de hooligan et à sa morgue toute britannique mais aussi à l’énergie sèche et juvénile de ses potes londoniens aux têtes de jeune gamin. Les types (20 ans de moyenne d’âge) se rentrent dedans, se roulent par terre, sautent dans tous les coins. Girl Band ne traîne pas non plus bien loin… Jusqu’ici, Shame n’a pas encore sorti d’album. Juste deux singles et un live (sur cassette) enregistré à Dijon en février de cette année lors du festival Génériq. À première vue, le quintet de Brixton est probablement avec Crows et Cabbage (dont les premiers disques sont eux aussi encore attendus) l’une des next big things de l’autre côté de la Manche. Prometteurs et jusqu’au-boutistes, les mecs (des potes d’écoles secondaires, primaires même maternelles pour certains) sont du genre à se mettre un public en poche en lui donnant l’impression de l’étrangler. Affaire à suivre…

Lift toujours. Retrouvailles encore. Ils sont partout. On les a déjà vus à Dour et au Micro pour ne citer que quelques étapes de leur été stakhanoviste. Cocaine Piss a beau jouer très très tôt dans l’après-midi, le Lift est plus rempli que pour les Black Lips la veille à 1 heure du matin. Super sollicités par les médias flamands, Aurélie Poppins et sa bande de chevelus (un des 53 groupes belges au programme) ont définitivement déjà marqué les esprits au nord du pays.

The Afghan Whigs, par contre, n’a pas attiré grand monde devant la Main Stage. Pour le coup, on l’aurait bien prédit. Greg Dulli a fameusement pris du poids. Mais même tout bouffi, le pote de Mark Lanegan (ils ont quand même monté ensemble les Gutter Twins) tient encore plutôt bien la route. Toutes guitares dehors, Afghan Whigs ne démérite pas mais la setlist est définitivement loin d’être taillée pour ce genre d’événement.

Quelques chiffres? 66.000 personnes par jour. 100.000 visiteurs uniques. 221 artistes et 13.440 minutes de musique… Paraît qu’un mec sur le site s’est fait choper par les flics avec 77 téléphones dans son sac. Devait être sacrément occupé… On le comprend. Le problème, ce samedi, au Pukkel, c’est que tous les trucs intéressants jouent en même temps. Tant pis pour Preoccupations, BadBadNotGood, Moon Duo… Cette édition 2017 à l’affiche un peu faiblarde quand même, on la terminera avec le hip hop de l’extrême. Les cinglés d’Ho99o9 et les sauvages de Death Grips. Les premiers sont de Newark et le rap ils le fracassent sur un punk hardcore qui ne demande pas son reste. Leur premier disque (United States of Ho99o9) sous le bras, Eaddy, OGM et leur batteur ont mis le Lift la tête à l’envers. Les deux Afro-Américains ont fréquenté les concerts de blancs très énervés et ça se voit… Camisole de force, mosh pit, plongeon dans le public et salto final. Furieux.

Moins rock, plus gras, les Death Grips, eux, sont de la côte Ouest. Des rues de Sacramento. MCRide (Stefan Burnett), le torse nu, tout en muscles, se contorsionne et convulse en hurlant sous un éclairage sombre et épileptique pendant que le batteur Zach Hill se défoule sur ses fûts et qu’Andy Morin tripote ses machines. Brutal, physique, Death Grips joue la bande son de l’apocalypse. Un hip hop industriel qui va bien à la rudesse chaotique de son temps. Comme diraient les Flaming Lips: « Fuck Yeah Pukkelpop… »

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