Nuits Bota: poétique et désopilant Katerine

© Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avec le virtuose et renversant Bachar Mar-Khalifé, le poétique et désopilant Katerine, le piano était à l’honneur et dans tous ses états samedi au Bota.

Il nous aura fait voyager le piano, samedi, aux Nuits Botanique. Du Liban natal de Bachar Mar-Khalifé à l’univers drôlement surréaliste de Katerine, il nous aura même valu deux des plus beaux concerts d’un festival qui tout doucement touche à sa fin. Le piano, Bachar, tombé dedans quand il était petit (la faute à un papa, gloire du oud, qui voulait le meilleur pour ses enfants), s’en sert pour briser les frontières. « Je ne me suis jamais dit: je vais faire du rock, du jazz ou du classique, c’eut été absurde », confiait le virtuose il y a quelques semaines dans un café resto parisien. Les genres et les ambiances, Bachar en joue. Donnant tour à tour l’impression de se retrouver au concours Reine Elisabeth, dans un remake de Whiplash, une boîte de nuit arabe et une chambre d’enfants de Beyrouth à l’heure du coucher…

C’est en trio, accompagné d’un bassiste et de son impressionnant batteur de 19 ans repéré dans un groupe qui assurait sa première partie, que Bachar s’est mis le public longtemps sage et timide du Grand Salon en poche. Il ne faut pas comprendre l’arabe libanais pour que les chansons de Ya Balad, son troisième album, nous touchent et nous parlent. Le langage de la musique, des sentiments, de la générosité (une heure trois quarts de concert tout de même) est universel.

L’insaisissable Philippe Katerine, tout le monde ne le comprend pas toujours. Certains rêvent d’autres mondes. Katerine les crée. Doux barjot, poète du quotidien et de l’absurde, de l’absurde du quotidien, le natif des Deux-Sèvres n’a cessé de se réinventer depuis l’entame de sa carrière au début des années 90. Easy listening, bossa-nova, chanson, rock, percées électroniques… Katerine, le transformiste, prince du décalage, roi des doux excentriques, s’est avec Le Film raconté de façon intime et forcément un peu loufoque au piano. Si c’est lui qui en joue sur tous les titres de son album, Philippe Blanchard (c’est son vrai nom) se fait accompagner sur scène de la pianiste classique Dana Ciocarlie et autant l’écrire tout de suite convie autant à un one-man-show qu’à un concert. Moulé dans des bas collants verts, tel un Robin des bois qui se serait sauvé de chez Mel Brooks, Katerine revisite tout son répertoire à la lumière de ce nouvel éclairage. Regarde danser les gens, mange des bananes et se fait poursuivre par Marine Le Pen. « Tout rapport humain est compliqué/même avec moi-même j’ai des problèmes. » L’alchimie est parfaite. On a beau chercher les caméras autour de nous, convaincu que notre voisine insupportable de bêtise est en train de tourner un sketch de La Connasse, on se laisse embarquer par l’univers surréaliste et les comptines philosophiques (Les Objets) de l’improbable bonhomme…

« T’aimais pas les chanteurs qui bougent le cul/T’aimais pas les chanteurs qui chantent aigu/Mais tu m’en voulais pas/C’était bien comme ça/Si c’était bien pour moi. » Katerine le chante. Il a perdu son papa (décédé en 2014). Il l’a cherché partout. Et ça l’a rendu fou. Il dit avoir résisté aux pulsions de meurtre mais n’a pu s’empêcher de prendre sa bagnole et de se faire un hérisson (ce qui a l’art de fâcher les potes de Brigitte Bardot). La chanson terminée, un mammifère aux poils hérissés et piquants s’invite sur scène et s’envole dans le ciel scintillant du Cirque. Impossible de s’embêter une minute. Katerine fait Des bisous, invite dans le brouhaha de la circulation et des coups de klaxon (Automobile), amène le public à aboyer en meute (« on m’avait dit que les Belges faisaient bien les chiens »)… Crazy Kat.

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