Critique | Musique

Nos albums de la semaine (#13): Mount Eerie, Jarvis Cocker & Chilly Gonzales, The Jesus and Mary Chain…

Mount Eerie © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Phil Evernum a perdu sa femme, la mère de son jeune enfant, et lui adresse un disque de Mount Eerie dépouillé et déchirant. À lire également: nos critiques des albums de Shadow Band, Blaha, The Jesus and Mary Chain, Jarvis Cocker & Chilly Gonzales, Omar Sosa et Seckou Keita, Lee Konitz, The Singing Painters Meet Carver & Horn, Nicolas Kummert et Colin Vallon.

Mount Eerie – « A Crow Looked At Me »

FOLK. DISTRIBUÉ PAR P.W. ELVERUM & SUN. ****

« Our daughter is one and a half. You’ve been dead eleven days. I got on the boat and came to the place where the three of us were going to build our house if you had lived. You died though. So I came here alone with our baby and the dust of your bones… » Phil Elverum est en deuil. Phil Elverum est dévasté. Son épouse Geneviève Castrée, poète, illustratrice, musicienne (Woelv, O Paon) est décédée. Emportée par un cancer du pancréas à 35 ans. Bouleversant, d’une intensité rare, A Crow Looked At Me lui est adressé. Phil en tout cas lui parle. Lui raconte le deuil, le vide, la vie sans elle. Il s’est assis dans la pièce où elle s’en est allée et y a écrit et enregistré, en utilisant ses instruments à elle, le huitième album de Mount Eerie. Onze chansons dépouillées, hantées, décharnées qui brisent le coeur et glacent le sang. Dans toute leur belle et terrible simplicité.

Sur des ambiances qui rappellent le Benji de Sun Kil Moon, disque qui voyait Mark Kozelek pleurer les morts passés et à venir, Elverum explique recevoir du courrier au nom de Geneviève (un cadeau qu’elle avait commandé en secret pour leur fille). S’écrouler en pleurs sur le porche. Avoir vendu ses vêtements. Ne pas fermer la fenêtre de la chambre où elle a rendu son dernier soupir au cas où quelque chose devrait encore s’enfuir…

Lourd de douleur

Le Franky Knight d’Emilie Simon pour son amoureux fauché par des complications de la grippe H1N1, le fabuleux Carrie & Lowell de Sufjan Stevens regrettant sa mère et son beau-père ou plus récemment le Skeleton Tree d’un Nick Cave ravagé par la disparition de son fils tombé d’une falaise… Les exemples ne manquent pas. Le disque de deuil est un genre en soi. Quasi jamais cependant, il ne se sera accompagné d’un tel lâcher prise. En écoutant Elverum partager ses pensées et son quotidien, tous ces petits moments qui lui rappellent l’être cher, on se sent tout nu. Comme lui.

« I Can’t Believe You Actually Died », chantait-il quasi en mode Moldy Peaches il y a une quinzaine d’années avec son groupe lo-fi The Microphones. A Crow Looked At Me, empreint d’une infinie détresse, a le climat nettement plus morose. Chronologiquement (il va souvent jusqu’à préciser le nombre de jours depuis qu’elle n’est plus là), Elverum partage son désespérant et désespéré sentiment de solitude. Sent les souvenirs lentement s’effacer. La musique est dépouillée. Squelettique. Phil parle. Murmure. Et on n’entend que ses mots. Lourds de douleur. A la fois terre à terre et poétique. « Je ne veux rien apprendre de tout ça« , implore-t-il. Précisant qu’il a écrit ces chansons et décidé de les partager pour multiplier la voix qui clame son amour. Une déclaration aussi magnifique et tendre que terriblement noire.

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