Critique

Moneyball (Le Stratège)

DRAME SPORTIF | S’attachant au destin d’un homme qui, en coulisses, a révolutionné la manière d’envisager le baseball, un film qui, l’air de rien, subvertit les codes du film sportif.

Moneyball, drame sportif de Bennett Miller. Avec Brad Pitt, Jonah Hill, Philip Seymour Hoffman. 2h13. Sortie: 07/12. ***

C’est l’histoire d’un mec qui joue son va-tout. Alors que la saison 2002 de Major League Baseball se profile, Billy Beane, ancien sportif raté reconverti en manager des Oakland Athletics, est confronté à une situation difficile: sa modeste équipe a encore perdu ses meilleurs joueurs, partis vers de plus grands clubs et de plus gros salaires. Pas décidé à rester dans le rang, Beane envisage alors des solutions auxquelles personne n’avait songé avant lui. S’appuyant sur des théories statistiques et un système singulier de mesure de la valeur des joueurs, il va recruter au rabais des professionnels jusque-là peu considérés…

Au service de ce récit faisant la part belle aux laissés-pour-compte, l’équipe de Moneyball a pourtant tout d’une Dream Team. Au scénario, Aaron Sorkin (The West Wing, The Social Network) parvient encore une fois à rendre captivant un sujet qui, à priori, ne l’est pas du tout. Son écriture rusée, maligne, et ses dialogues au rasoir font tout le sel du film de Bennett Miller (Capote) qui, pour son 2e long de fiction, trouve le ton juste, loin des figures imposées et autres effets de manche coutumiers du genre. Fidèle à lui-même, Brad Pitt est parfait dans la peau du stratège iconoclaste des Oakland A’s -la critique américaine, dithyrambique sur le film, s’est d’ailleurs empressée d’en faire l’un de ses plus sérieux candidats dans la course à l’Oscar. Tandis que le jeune Jonah Hill, bibendum nerdifiant abonné aux productions Apatow, se révèle simplement formidable dans le rôle de son improbable bras droit.

Seul contre tous

Genre en soi sur l’échiquier cinématographique américain, le film à caractère sportif s’accommode aux sauces les plus diverses, pour se résumer bien souvent, au détour de quelques métaphores plus ou moins appuyées où le terrain de sport ne cesse de renvoyer à cette aire de jeu taille XXL qu’est l’existence, à un seul et même enjeu triomphal. Loin du baroud attendu pour la gloire, Moneyball, s’il multiplie lui aussi les parallèles entre le baseball et la vie, choisit, pour sa part, d’interroger la notion même de succès. Qu’est-ce que la réussite, après tout? Celle du film -pas dénué de certaines facilités dans ses ressorts de narration, essentiellement articulée autour du principe du « seul contre tous »- tenant à une étonnante équation, parfaitement résumée, en ouverture, par une citation de Mickey Mantle: « On se trompe quand on croit connaître le jeu qu’on a joué toute sa vie. »

S’attachant au destin peu banal d’un homme qui, dans l’ombre, a révolutionné l’univers du baseball, le film de Bennett Miller dépoussière lui aussi, mine de rien, la manière d’envisager le sport au cinéma. Se détournant du terrain, il en cadre essentiellement les à-côtés, avant et après la partie, rendant les négociations, transactions et autres stratégies élaborées en coulisses aussi prenantes qu’un bon match. Et quand il se pique enfin de filmer du baseball, il rend miraculeusement bien l’intensité, ce transport électrique, que seul le sport est capable de susciter. Ce n’est jamais qu’un jeu, soupireront les grincheux. En voilà tout le prix, leur répond Moneyball.

Nicolas Clément

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