L’oeuvre de la semaine: Le spectacle de l’insaisissable

© Ill légende : Hervé Charles, Darnius, 2012. 150 x 225 cm. ed/6. Courtesy Hangar Ar Center.
Guy Gilsoul Journaliste

N’avez-vous jamais été fasciné, hypnotisé, par le spectacle d’un rideau animé mais à peine par le souffle d’un vent léger ?

Dès son entrée en photographie, sur de très grands formats et en noir et blanc, Hervé Charles (°1965) cherchait, à travers ce sujet, à pointer l’ambiguïté en ramenant la représentation vers une bi-dimensionnalité aux grisés nuancés. Plus tard, et avec la même logique mais en accentuant les effets troublants de transparence via un choix de support translucide, il photographie les nuages, la neige ou les vapeurs, soit des paysages en constantes transformations.

Avec les coulées de lave de l’etna dont il retenait, au coeur de l’informe la présence grimaçante du feu, il embarque dans la thématique de la catastrophe ou, plus encore, peut-être, rejoint les essentiels sous-jacents déjà décrits par Empédocle : l’eau, l’air, la terre et le feu… La série récente de photographies monumentales présentées dans l’exposition, revient vers ce feu mais cette fois à l’heure du silence et des traces laissées par les incendies qui métamorphosent les forêts en paysages mordus par les noirs.

Au fil de ces voyages, Hervé Charles, immergé dans les ruines végétales, grimpant aux arbres ou prenant des vues avec un certain recul, aurait pu faire écho aux drames et ajouter au spectacle du pire et de la désolation. Nous en sommes loin. Même aux antipodes. Les branches, les troncs ou les bambous noircis ainsi que le sol blessé, la résurgence des roches ou le réveil du vert donnent au contraire lieu à des surfaces d’une beauté graphique où les diverses profondeurs se mêlent en une surface rythmée aussi complexe que légère. L’aspect pictural ainsi dégagé de toute subjectivité l’emporte sur l’empathie écologique. On songe alors au peintre Music qui, lorsqu’il était prisonnier des camps de concentration et devant le spectacle des cadavres accumulés en tas, songeait aux couleurs de Goya. L’exposition de groupe intitulée « Les yeux rouges » réunit les différents pédagogues de l’atelier de photographie de la Cambre dirigé par Hervé Charles.

Bruxelles, Hangar Art Center. 18 Place du Châtelain. Jusqu’au 6 juillet. Du Ma au Sa de 12à 18h.

Ill légende : Hervé Charles, Darnius, 2012. 150 x 225 cm. ed/6. Courtesy Hangar Ar Center.

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