L’oeuvre de la semaine: Entre souffles et soupirs

2018.03.28. 180cm x 256cm. © C de l'artiste
Guy Gilsoul Journaliste

A 55 ans, Marc Renard n’en n’a pas fini avec la rage qui hante son regard de peintre et assoiffe son esprit de créateur. Et puisque la peinture est un monde en soi, il veut en connaître tous les territoires.

De la Renaissance à l’histoire de l’abstraction, rien ne lui échappe des codes et des manières entre lesquels, il creuse sa singularité. Comme Manet lui a enseigné, il cherche aussi à s’immerger dans le monde moderne, le sien tout en visant la différence venue d’autres cultures ou d’autres « métiers ». Voici quelques années, il avait ainsi, comme Matisse avant lui, cherché du côté des arts textiles, de nouveaux coloris et des textures inédits. Velours, soie, satin, tulle s’étaient ainsi associés aux pigments traditionnels en des assemblages qui devaient aussi aux possibles de l’informatique. Mais très vite, il était revenu à la seule peinture, s’embarquant alors vers d’autres langages picturaux au risque de l’exil lointain.

Cette fois, le Japon. Ainsi, cette oeuvre inspirée par une estampe érotique. L’alcôve est suggérée comme les corps. N’y cherchons pas la courtisane et son client. Pas davantage le voyeur qui, derrière les papiers de riz, observe les ébats. Mais seulement, comme le suggère le Dit du Genji, célèbre texte fondateur écrit au XIe siècle par une dame de la cour, la beauté non des corps mais des chevelures qui ondulent, d’un profil qui se devine, d’un mouvement élégant, d’une violence soudaine ou d’un frôlement de tissu au motif traditionnel. Renard reprend à son compte cette fragmentation de la narration qui est au centre des codes de représentation dans le Japon des « Shunga ».

L’espace à son tour abandonne l’ordre hiérarchique et la perspective pour un vide habité par des éléments isolés, des angles de vues particuliers, une multiplication des moments dans une même image… Cette même conception (harmonie ?) gagne aussi l’écriture du peintre qui transforme chaque geste de la brosse ou de la palette en une calligraphie totalement maîtrisée et soutenue, aux alentours, par un travail au compresseur et à la règle. Peu à peu, le Japon traditionnel émerge de l’aspect non figuratif. Sentez-vous cette moiteur, ces murmures, ces souffles et ces soupirs?

Bruxelles, MM Gallery. 68 Cour de la Place du Jeu de Balle (1000). Jusqu’au 17 juin. www.mmgallery.be

Légende : 2018.03.28. 180cm x 256cm. C de l’artiste.

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