Critique

[Le film de la semaine] Julieta, de Pedro Almodovar

Julieta, de Pedro Almodovar © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Trois ans après la parenthèse fantaisiste guère concluante des Amants passagers, Julieta voit Pedro Almodovar renouer avec la fibre intime de son cinéma.

Le réalisateur espagnol y trace l’un de ces portraits de femme dont il a le secret, à savoir celui de Julieta, la cinquantaine, et sur le point de quitter définitivement Madrid pour le Portugal avec son compagnon Lorenzo. Des plans bouleversés par sa rencontre fortuite avec Bea, la meilleure amie d’enfance de sa fille Antia, qui lui dit l’avoir croisée peu de temps auparavant au lac de Côme. Il n’en faut pas plus pour ébranler Julieta, sans nouvelles de cette dernière depuis plus de dix ans. Et qui, renonçant à ses projets, va rouvrir les vannes d’un passé dont elle avait effacé toute trace, remontant 25 ans en arrière pour écrire ses secrets à sa fille…

Une héroïne almodovarienne

Almodovar s’y entend comme peu d’autres pour composer des scénarios se jouant du temps pour mieux aiguiser les sentiments. Librement inspiré de trois nouvelles de l’écrivain canadienne Alice Munro, Julieta ne déroge pas à la règle, et la seule architecture du film est déjà un pur régal, la fluidité y défiant la chronologie en quelque mouvement souverain. Mais si ce film, son vingtième, compte parmi les réussites majeures du cinéaste, c’est encore parce que, renouant avec les thématiques familières de son oeuvre, Julieta charrie aussi les émotions les plus profondes. Comme en son temps dans Talons aiguilles, la relation mère-fille constitue le coeur vibrant de l’histoire, la douleur de l’absence remodelant bientôt le film où affleurent tant la culpabilité que l’insupportable solitude accompagnant une héroïne intensément « almodovarienne » -dans la lignée, encore, de celles de La Fleur de mon secret ou Tout sur ma mère.

Inscrit dans la veine mélodramatique de l’auteur, Julieta témoigne toutefois d’une évolution sensible chez un auteur que l’on a rarement vu autant dans la retenue, à tel point que ce film peut apparaître, à bien des égards, comme une épure de son cinéma. Au-delà de la parfaite maîtrise de l’installation, où l’intelligence vertigineuse de l’écriture rivalise avec la virtuosité sans ostentation de la mise en scène, le destin bouleversant de Julieta (magnifiques Emma Suarez et Adriana Ugarte, nouvelles venues dans la galaxie du cinéaste, qui l’incarnent aux deux périodes de sa vie) inspire à Almodovar un film parlant aux sens autant qu’au coeur, et pour tout dire beau à en pleurer…

DE PEDRO ALMODOVAR. AVEC EMMA SUAREZ, ADRIANA UGARTE, DARIO GRANDINETTI. 1H36. SORTIE: 18/05.

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