Critique

Le film de la semaine: Inside Llewyn Davis, des frères Coen

Inside Llewyn Davis - Oscar Isaac © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

BIOPIC MUSICAL | Avec la biographie fictive de Llewyn Davis, chanteur folk puriste et loser patenté du début des 60’s, les frères Coen signent un film aussi enlevé que savoureux.

Voilà pratiquement 30 ans, et la sortie de Blood Simple, que cela dure: à chaque nouveau film de Joel et Ethan Coen (lire leur interview), la magie, bluffante et familière à la fois, opère, liée à un talent, un humour et une sensibilité n’appartenant qu’à eux, en plus de se nourrir aux genres les plus divers, du film noir au western. Inside Llewyn Davis, leur seizième long métrage, ne déroge pas à la règle, qui emprunte aux canons du biopic musical tout en s’avérant du Coen du meilleur tonneau -entendez que s’il fallait s’amuser au petit jeu des rapprochements, on le rangerait dans le voisinage immédiat des précédents Barton Fink et A Serious Man.

L’âme du film, c’est donc Llewyn Davis (Oscar Isaac, formidable), chanteur folk vaguement inspiré de Dave Van Ronk, puriste évoluant dans le Greenwich Village du début des années 60. Davis, on le découvre alors qu’il se fait jeter sans ménagement d’un club, avant d’être tabassé par un inconnu. Le gaillard est un poissard, en effet, dont la vie n’est qu’une longue succession de galères depuis le suicide de Mike Timlin, son partenaire au sein d’un duo à succès. Et de ramer, encore et toujours, qu’il s’agisse de réclamer ses royalties à son éditeur ou de trouver un sofa où se poser pour la nuit, voire encore de garder l’oeil sur un chat ayant la bougeotte -le félin répond, il est vrai, au nom de Ulysse. Et l’on n’évoque que pour la forme sa liaison tumultueuse avec Jean (Carey Mulligan), prompte à agonir d’injures un musicien qui va tenter vaille que vaille de surmonter les obstacles balisant sa route…

Un Coen majeur

L’accompagnant l’espace d’une semaine, les frères Coen signent un film particulièrement savoureux prenant la forme du portrait léger, insolite et chaleureux d’un artiste que son intégrité, assortie d’un caractère peu commode, voue pratiquement à son destin de loser. Une perspective que les cinéastes embrassent avec leur maestria coutumière, doublée du sens de l’humour absurde comme ravageur qu’on leur connaît, non sans rendre un hommage vibrant à cette scène musicale naissante. Filmées dans leur intégralité, et interprétées par les acteurs -Oscar Isaac et Justin Timberlake, notamment-, les chansons prennent ici un relief insoupçonné, et même irrésistible dans le cas de Please Mr. Kennedy, instant de grâce qui ferait se convertir au folk jusqu’au plus indécrottable punk rocker.

A la suite, et presque insensiblement, ce film d’apparence mineure se révèle au bout du compte un Coen majeur, allant encore au-delà de la reconstitution inspirée pour nourrir un jeu particulièrement fécond de correspondances créatives. Le tout, en mode enjoué comme piquant, et parsemé de ces moments d’anthologie dont les Brothers se sont fait la spécialité – voir ainsi le trajet automobile surréaliste de New York à Chicago qui vaut à John Goodman une apparition inoubliable, appelée à figurer bien haut dans le panthéon des scènes cultes de leur cinéma. Hautement réjouissant, un film à voir absolument.

  • BIOPIC DE ETHAN ET JOEL COEN. AVEC OSCAR ISAAC, CAREY MULLIGAN, JOHN GOODMAN. 1H45. SORTIE: 6/11.
L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content