Critique

[Le film de la semaine] 120 battements par minute, de Robin Campillo

L'acteur Nahuel Pérez Biscayart est l'un des héros de 120 battements par minute. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Plus encore que The Square, la Palme d’or de Ruben Östlund, 120 battements par minute restera comme le film ayant secoué le 70e festival de Cannes.

Scénariste de Laurent Cantet (de L’Emploi du temps à L’Atelier, annoncé sur nos écrans à l’automne), et par ailleurs réalisateur de Eastern Boys, Robin Campillo y revient sur ce que l’on a appelé les années sida à travers l’aventure Act Up. Collectif activiste créé à l’occasion de la Gay Pride en 1989 sur la base d’un modèle new-yorkais né deux ans plus tôt, Act Up-Paris devait, à l’orée des années 90, multiplier les actions pour dénoncer l’indifférence et l’inertie coupables des autorités françaises face à la progression d’une épidémie faisant des victimes par milliers. Un combat que Campillo a vécu aux premières loges, rejoignant l’association en 1992. Et qu’il prend ici à « bras-les-corps », son expérience et ses souvenirs ayant abondamment nourri un film ancré dans la réalité de l’époque avec ses préjugés -le réalisateur rappelle que « l’homophobie était encore presque une norme »-, mais réussissant aussi à la transcender.

Son tempo particulier, 120 BPM le doit à la musique house bien sûr, qui en habille les transitions, mais aussi à son articulation, rythmée autant par les réunions hebdomadaires du collectif, espace d’échanges et de tensions saisis comme sur le vif, que par ses interventions dans l’espace public, pouvant aller de la distribution de préservatifs dans un lycée à une action éclair (les « zaps ») dans un labo pharmaceutique. Modus operandi que l’on découvre sur les pas de Nathan (Arnaud Valois), nouveau venu dans un groupe d’où émergent notamment la radicalité de Sean (Nahuel Pérez Biscayart) et les élans de Sophie (Adèle Haenel)… Si le dispositif a le mérite d’en poser clairement les enjeux, il situe aussi les limites (relatives) d’un film qui patine quelque peu dans l’accumulation d’assemblées forcément répétitives même si évoluant dans leur contenu. Un soupçon d’élagage n’aurait pas nui à la fluidité de l’ensemble; Campillo réussit toutefois à brillamment relancer 120 BPM dans un second acte où le film politique se mue progressivement en un drame intimiste charriant une émotion puissante, pour se révéler au final proprement bouleversant. De quoi donner la pleine mesure d’une oeuvre célébrant l’engagement collectif, et vibrant de l’énergie communicative de sa galerie d’épatants jeunes acteurs que l’on aurait bien vus repartir de Cannes auréolés d’un prix d’interprétation choral. À quoi le jury de Pedro Almodovar a préféré un Grand Prix, venu saluer les qualités d’un film d’une force et d’une acuité assurément peu banales. À voir absolument.

De Robin Campillo. Avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel. 2h22. Sortie: 23/08. ****

>> Notre interview de Robin Campillo.

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