Critique

La musique comme instrument de torture

© Tristan Chytroschek/A&O Buero/Arte
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Si la musique en soi n’a rien d’une arme, elle n’en représente pas moins un moyen de contrôler l’environnement d’un individu. De le désorienter. De le terrifier. De le pousser à bout. De le faire parler…

DOCUMENTAIRE DE TRISTAN CHYTROSCHEK. ****

Ce mardi 15 janvier à 23h40 sur Arte.

En 2003, le monde apprend que l’armée américaine torture des prisonniers de guerre pendant des journées entières à Guantanamo avec la musique anodine de Sesame Street. Le célèbre programme pour enfants de Jim Henson contant les aventures d’Ernest, Grover, Bart et Kermit… Christopher Cerf tombe des nues et décide d’enquêter pour en savoir plus. C’est lui, le compositeur de ces chansons, que suit La musique comme instrument de torture. Percutant et interpelant documentaire de Tristan Chytroschek.

Si la musique en soi, à part dans l’esprit tordu et les films décalés de Tim Burton (Mars Attacks), n’a rien d’une arme, elle n’en représente pas moins un moyen de contrôler l’environnement d’un individu. De le désorienter. De le terrifier. De le pousser à bout. De le faire parler… L’idée, perfide, est vieille de plusieurs millénaires. Coréens et Chinois ne se mettent cependant à l’utiliser systématiquement qu’au début des années 50 pendant la Guerre de Corée. Au Vietnam, les Américains s’y essayent également. Jeaps, chars, avions et hommes sont équipés de haut-parleurs balançant à plein tube des chansons proaméricaines. Puis des sons étranges. Tentatives de démoralisation du soldat étranger dans la jungle…

Les consignes de la CIA après le 11 septembre sont édifiantes. Bruit blanc. Musique forte. L’agence préconise des sévices qui ne laissent pas de traces sur les prisonniers. Sont autorisés 100 dB (le bruit d’un marteau-piqueur à proximité immédiate) pendant 2 heures, 95 dB (le ronflement d’un moteur de camion à plein régime) pendant 4 heures, 90 dB (le vrombissement d’un vélomoteur à pleine vitesse) jusqu’à 8 heures. Et même l’équivalent du bruit d’une voie express pendant 18 heures. Interrogateurs, anciens gardiens et neuropsychologues témoignent. Un docu choc.

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