Ghostwriting ou l’écriture en douce

Oh les vilains! Les vilains tout plein de nous faire croire sornettes et balivernes: 80 % des hommes politiques français (mais on peut évidemment imaginer que la statistique dépasse les frontières hexagonales) n’écriraient pas leurs bouquins eux-mêmes.

Pas le temps. Compréhensible. Ce qui l’est moins, par contre, c’est qu’ils ne citent quasiment jamais leurs nègres littéraires, petites plumes de l’ombre rémunérées, au mieux, à 50/50. « J’ai écrit environ 50 livres en tant que nègre. On ne m’a jamais remercié une seule fois », affirme l’un des témoins interrogés pour le besoin de cet excellent documentaire. Multi-primé un peu partout, le dernier long métrage de Roman Polanski donnait un coup d’éclairage à cette profession pour écrivains si pas ratés, du moins en quête de frigo systématiquement rempli. Là où The Ghostwriter évoquait la « négritude » politique, L’Autre Dumas de Safy Nebbou élargissait le spectre au genre littéraire tout entier. On se souvient de Paul-Loup Sulitzer (photo) et du scandale que fit naître la découverte, il y a une grosse vingtaine d’années, de la supercherie dans laquelle il se vautrait.

Politiques et écrivains tricheurs ne sont par ailleurs que la partie émmergée de l’iceberg: sous l’eau, on retrouve bien entendu toutes les stars du showbiz, mais également tous ces personnages ordinaires dont les aventures extraordinaires ont convaincu les éditeurs de mettre la main à la poche. En quête permanente de best-sellers, le monde de l’édition s’appuierait sur cette littérature déléguée pour se donner de l’air, et publier de vrais ouvrages qualitatifs. C’est la version officielle, du moins.

Le passionnant documentaire d’Armelle Bruscq nous emmène à la découverte de ces « collaborateurs littéraires », de ceux qui vivent une vie différente à chaque changement de client. Leur verve, leurs anecdotes interpellent, scotchent. Le film se transforme alors en une réflexion sur les valeurs de la société, sur ce qui la fait vibrer ou s’indigner. « Chaque jour, quand je me rends au boulot, je me demande ce qui intéresserait les Français », confie un éditeur influent. Peut-être de savoir que Michel Drucker n’écrit pas ses livres.

Ghostwriting ou l’écriture en douce, documentaire d’Armelle Bruscq.

Ce mercredi 23 mars à 20h45 sur BE Ciné.

Guy Verstraeten

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