Expo: De l’art brut et des clichés dans les Marolles

Janko Domsic, Sans titre (détail), Stylo bille sur carton © Coll. La Fabuloserie
Trân Thi-Tiên
Trân Thi-Tiên Stagiaire

L’art brut, c’est quoi? L’art des fous, des malades mentaux? L’art des enfants? Construire une exposition autour de clichés pour en révéler l’arbitraire, un pari osé relevé par le musée art) & (marges qui présente actuellement il était une fois l’art brut

Jusqu’au 12 octobre, le musée art) & (marges, logé au coeur du quartier des Marolles à Bruxelles, revient sur la genèse de l’art brut. Au commencement, il y avait quoi au juste? Question périlleuse… On identifie souvent l’art brut à une origine possible de l’art. Un art d’enfants, d’aliénés? Un art primitif? On aurait tout faux. Pourtant, ce sont ces clichés mêmes, assumés à leur paroxysme, qui rythment l’exposition dont le titre se prolonge par Fictions des origines de l’art. Au fond, tout n’est qu’hypothèse. Hypothèse erronée?

Jeantimir Kchaoudoff, La promenade (détail), Encre bleue sur papier
Jeantimir Kchaoudoff, La promenade (détail), Encre bleue sur papier© Coll. La Fabuloserie

Définir l’art brut n’est donc pas une affaire aisée et les théoriciens auront tôt fait de s’arracher les cheveux. Ni un mouvement, ni une catégorie supplémentaire dans l’histoire de l’art, l’art brut est un concept. Inventé par l’artiste français Jean Dubuffet en 1945, le terme désigne les oeuvres d’individus qui travaillent en-dehors du circuit artistique classique: productions d’artistes non professionnels, d’autodidactes, en hôpital psychiatrique ou en prison… Et ne peut se réduire à une classification de style.

Comme un discours empreint d’ironie, un bon mot bien placé, l’exposition lance un pied de nez à toutes les idées reçues sur l’art brut en leur attribuant une couleur. Par exemple, le rose bonbon pour l’enfance évoque l’amalgame formel entre art brut et création enfantine. Le rouge passion pour le génie perpétue l’éternelle confusion entre art brut et art d’aliénés, supposant que la création artistique, le génie même, découle inévitablement de la folie. Le noir charbon pour la caverne dénonce la dénomination (subjective) occidentale de l’art primitif auquel l’art brut est souvent associé. En insistant sur ces catégorisations, l’intention des commissaires est d’en montrer le caractère arbitraire, inhérent aux conceptions de l’art brut, mais aussi de l’art.

Sylvain Cosijns, Sans titre (détail), Crayon graphite sur papier
Sylvain Cosijns, Sans titre (détail), Crayon graphite sur papier© Coll. art) & (marges musée

L’exposition est ponctuée par les incursions marginales de Messieurs Delmotte, qui cherche à définir sa place en tant qu’artiste parmi toutes ces catégorisations finalement très poreuses. il était une fois l’art brut… se veut résolument intuitive et sensorielle, à tel point qu’elle omet même d’indiquer toute légende associée aux oeuvres. Une démarche assumée par les commissaires pour forcer le spectateur à se défaire des habitudes muséales traditionnelles pour approcher l’oeuvre sans se poser les questions habituelles: d’où ça vient, comment c’est fait, qui, pourquoi? Et finalement, oublier qu’il est un art dit brut.

  • Exposition il était une fois l’art brut… Fictions des origines de l’art, art) & (marges musée, jusqu’au 12 octobre 2014. http://www.artetmarges.be

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