
En images: les affiches de 7 films cultes revisitées par la graphiste Amira Daoudi

Amira Daoudi: « Plutôt qu’un portrait romantique de Jeanne Moreau, j’ai opté pour un graphisme conceptuel, peut-être moins lisible au premier coup d’oeil, mais plus en phase avec l’esthétique du film. J’ai mis l’accent sur la verticalité qui représente la forme de l’ascenseur et souligne le sentiment d’enfermement. Les lignes symbolisent les cordes de l’ascenseur et celles de l’échafaud. La rythmique lignes/cordes est cassée, désaccordée, comme dans le jazz. J’ai d’ailleurs mis la musique originale en avant, chose que je ne fais pas d’habitude, car pour moi ce film est indissociable de la trompette de Miles Davis. La typo -rouge pour souligner le suspense- est assez rétro. Elle fait référence aux affiches de Saul Bass que j’adore. La texture délavée renvoie à la ville, au meurtre, au film noir. »

Amira Daoudi: « Le cercle symbolise la vie, plus particulièrement son aspect infini. La vie dans sa forme la plus « fondamentale » n’a pas de début ni de fin. Marcello se croyant à sa place dans la vie mondaine -ses femmes, sa décadence- s’égare, tombe à genoux et réalise qu’il est passé à côté de la dolce vita. Il est seul, hors du cercle, dans le néant. Mais le regard encore levé, le désespoir n’est pas complet. Il lui reste la vita. Au niveau du traitement des couleurs, La Dolce Vita apparaît logiquement sur un fond explosif, entouré d’un vide blanchâtre. S’agissant de la typographie, j’ai préféré rester fidèle à celle de ce véritable âge d’or du cinéma italien. »

Amira Daoudi: « J’ai décidé de montrer le chez soi, le chez vous, car c’est là que tout se passe dans le film: à la maison. J’ai choisi de ne pas représenter Benoît Poelvoorde lui-même, mais le meurtrier qu’il incarne, et de le faire par un corbeau. Un oiseau qui a une réputation diabolique, et est considéré comme le médiateur entre la vie et la mort -une fonction que Poelvoorde prend très à coeur dans le film. Sur l’affiche, le corbeau est disproportionné, trop grand et s’impose sur la maison de façon plus écrasante qu’un « simple » intrus. Au niveau des couleurs, j’ai gardé le noir et blanc du film. Mais avec une petite touche de « briques rouges », pour le coté sanglant, et surtout en référence à la légendaire réplique: « Ils sont venus te foutre des briques rouges. » J’ai opté pour un style japonais, l’une de mes grandes influences en général. »

Amira Daoudi: « L’idée était de ne pas montrer le titre du film, de laisser le spectateur le déduire à partir d’une simple citation. J’aime jouer avec les codes. Mettre les règles de côté. Qu’est-ce qui fait d’une image une affiche? Et plus particulièrement une affiche de cinéma? Visuellement, j’ai décidé de souligner l’absence du héros, de plonger dans l’ambiance mystérieuse du film. Est-ce un héros ou pas? Va-t-il rentrer sain et sauf à la maison? La voiture vient de partir et laisse derrière elle un reste de fumée. »

Amira Daoudi: « J’ai choisi de mettre en avant les courbes de la femme: une idée tirée de la scène d’entrée du film, que je trouve très iconographique. Par ailleurs, le titre du film est très spécial, très imposant -chose que j’ai décidé de traduire assez littéralement par un jeu graphique: la grandeur et la verticalité des mots s’imposent sur l’affiche, créant un sentiment de puissance qui vient du haut pour s’imposer sur le sol. Au niveau de la composition, j’ai placé le nom de Brigitte Bardot entre les deux hommes: disputée, comme dans le film. »

Amira Daoudi: « Le nom de l’héroïne, qui sert de titre au film, invite au logo, j’ai donc mis en avant le « HA », afin qu’il devienne un signe en soi. Frances Ha est danseuse, et j’ai accentué le mouvement de danse en allongeant les « jambes » des lettres, ainsi qu’en insérant assez littéralement une jambe dans la lettre. La texture « béton » indique la ville (New York, où se passe l’entièreté du film), tandis que la lettre « H » devient comme une route, symbolisant le parcours, le chemin de Frances. Enfin, le film est en noir et blanc, ce que j’ai représenté par une affiche monochrome. »

Amira Daoudi: « Sous la célèbre citation de Buzz l’éclair (« Vers l’infini et au-delà! »), la montagne de jouets, que j’ai voulue monochrome en opposition à la cacophonie de couleurs attendue, apparaît comme une galaxie sans fin. J’ai traité les milliers de jouets en patchwork, car ces objets sont généralement produits en masse (un drame, écologiquement parlant). J’ai fait en sorte que de loin, on ne puisse pas distinguer les motifs du patchwork: c’est une invitation à coller son oeil sur l’affiche, afin de voir ce qui y est vraiment représenté. Faire de l’affiche elle-même un jeu. »
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