Critique scènes: Garanti sans pathos

© Joseph Banderet
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Comment ne pas se vautrer dans un sujet aussi casse-gueule que le deuil d’un enfant tout en touchant droit au coeur ? Mohamed El Khatib en faisait la démonstration avec ses deux acteurs dans ItaliqueC’est la vie/Italique, au festival namurois Doux mois d’août.

La soirée combinée commençait derrière le Théâtre de Namur, sous le chapiteau à l’atmosphère festive planté dans la cour de l’école Notre-Dame. Slameuse et activiste LGBT, Joëlle Sambi décochait ses flèches avec ses acolytes Farah, Soto et Marie-Paule, de leurs seules voix ou portés par les beats de Rokia Bamba. Pour dégommer par les mots les stéréotypes et les intolérances. Avec notamment ce texte fort, Pas là. « Je n’étais pas là, mais j’étais avec toi. »

La suite, c’est à l’intérieur. Un dédale de couloirs mène les spectateurs sur la scène, où sont installés les trois gradins qui encadrent l’espace de « jeu » de C’est la vie, de Mohamed El Khatib.

Mais peut-on parler de jeu quand les deux acteurs, Fanny Catel et Daniel Kenigsberg, parlent de ce qui leur est vraiment arrivé. « Tu sais c’est un peu particulier parce qu’on ne joue pas vraiment, ou plutôt si on joue, mais quand tu joues ta vie, forcément tu surjoues ta vie, parce que vivre sa vie c’est déjà compliqué, alors la reprendre en public, ça fiche le vertige », écrit Fanny à sa mère dans le livret qui accompagne la représentation.

Point commun des deux acteurs, qui les a menés sur cette scène : ils ont perdu un enfant. A des âges différents, dans des circonstances différentes, mais unis par un deuil semblable. Le sujet de C’est la vie est donc forcément douloureux. Tire-larmes par essence. Mais Mohamed El Khatib et ses acteurs vont user de tous les moyens pour éviter le marécage du pathos dans lequel le public risquerait de s’enfoncer.

Ecrans diffusant les didascalies, renvois à des textes à lire dans un temps imparti et décompté, humour juif… Dans un mélange particulier de froideur et de rires, la distance volontairement installée empêche de se laisser submerger par l’émotion. En laissant tout de même, à l’issue du spectacle, l’énorme envie de serrer ses proches dans ses bras et de profiter, même sans décompte affiché, du temps qu’il nous reste.

C’est la vie : vu le 25 août au Théâtre de Namur dans le cadre du Festival Doux mois d’août (jusqu’au 5 septembre). www.theatredenamur.be

Autre spectacle de Mohamed El Khatib à voir cette saison : La Dispute, les 12 et 13 novembre à la Maison de la Culture de Tournai, www.maisonculturetournai.com

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