Critique scènes: autour du monde, du dancehall au dubstep

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Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Une conférence sur la danse ? Barbant ? Pas si c’est la pétillante Ana Pi qui est aux commandes et que ce sont les danses urbaines -et leur contexte politique et social- qui sont visées.

Cela faisait bien longtemps qu’on voulait le faire, ce Tour du monde des danses urbaines en 10 villes. L’occasion en a finalement été donnée aux Ecuries de Charleroi danse, lors d’une séance scolaire. Et c’était là en quelque sorte un retour aux sources pour cette « conférence dansée », puisque c’est l’actuelle directrice de Charleroi danse, Annie Bozzini, qui en a lancé l’idée il y a six ans, alors qu’elle dirigeait le Centre de développement chorégraphique national de Toulouse. Cette commande à vocation pédagogique (au départ, la conférence voyageait dans les écoles avant de tourner dans les salles de spectacles) a été passée au duo d’enfants terribles de la danse contemporaine française François Chaignaud et Cecilia Bengolea, qui en ont confié la réalisation concrète à la danseuse brésilienne Ana Pi.

La voici donc, toute seule sur scène, menue mais charismatique, avec un écran, un projecteur vidéo, une valise et une tringle supportant les vêtements dont elle changera régulièrement, pour épouser le look de chaque style évoqué ici. En mouvements, en images, en discours et en interactions avec le public, le voyage passera de la pantsula sud-africaine au dubstep londonien, en passant par New York et le hip-hop, l’Angola du kuduro ou la Jamaïque du dancehall. Dix danses qui ont été choisies parmi d’autres, mais dont la sélection ne dépend pas du hasard : d’une part elles sont toutes postérieures à l’apparition des musiques électroniques et des sound systems qui ont permis leur diffusion « en rue » ; d’autre part, à peu près toutes sont nées au sein de communautés marginalisées, ghettoïsées, invisibilisées.

Pour les jeunes à qui elle s’adresse en premier lieu, mais pour tout le monde en fait, cette conférence est donc loin de se limiter à une analyse chorégraphique des différentes phases du break dance ou de l’origine des mouvements du voguing, c’est une traversée du temps et de l’espace, à l’échelle mondiale, de la manière dont la danse peut permettre de transcender la violence et de trouver une dignité. Dans la séquence sur le passinho brésilien, Ana Pi, native de Belo Horizonte et fille de capoeiristes, formée en pédagogie pour la danse à l’université de Salvador de Bahia, dira : « pendant les périodes de conflit, pour se faire respecter, soit on est armé soit on sait très bien danser ».

On espère que ce Tour du monde tournera encore pendant longtemps et que bien d’autres ados et adultes pourront profiter de cette leçon de danse et de tolérance.

Vu le 19 novembre 2019 aux Ecuries de Charleroi danse, www.charleroi-danse.be

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