Critique

[Critique ciné] Upstream Color, un fascinant mystère

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME/SCIENCE-FICTION | L’acteur et réalisateur américain Shane Carruth dresse la chronique captivante d’une étrange intoxication.

Ce sont de petits vers blancs ou les larves hésitantes d’on ne sait quel insecte. Une fois introduit(e)s dans le corps d’un « hôte », y compris humain, il en modifie le comportement. Comme si l’être intoxiqué devenait manipulable sans en être conscient… L’idée de départ d’Upstream Color pourrait justifier un thriller horrifique façon Shivers de Cronenberg, ou un film de science-fiction fourmillant d’effets spéciaux. Shane Carruth a pris une troisième voie: celle d’une oeuvre aux limites de l’expérimental et où tant l’horreur que les effets spéciaux résident dans la tête des protagonistes. Nous rencontrons donc Kris (Amy Seimetz, une révélation) et puis Jeff (joué par Carruth lui-même). Tous deux sont frappés par le phénomène décrit plus haut. Ils ne se connaissaient pas mais vont se rencontrer, se rapprocher, s’aimer, et essayer de comprendre ce qui leur arrive et qui -cela semble certain- arrive aussi à d’autres… Auteur déjà de l’impressionnant Primer en 2004 (micro budget -7.000 dollars!- de SF prenante autour d’une machine capable de réduire la masse des objets), Shane Carruth aura mis neuf ans à monter son second long métrage. Ce dernier, datant de 2013, a encore attendu quatre nouvelles années pour atteindre nos écrans, grâce à une distribution du Cinéma Nova. Mais l’attente débouche sur un très fascinant et intrigant spectacle!

Thoreau

[Critique ciné] Upstream Color, un fascinant mystère

Ingénieur et mathématicien de formation, le réalisateur nourrit son film d’intéressantes considérations scientifiques et morales. Mais Upstream Color n’en vire pas pour autant à la prise de tête. Il affiche bien au contraire, dans son montage comme dans son filmage, une sensualité que la dernière partie, la plus poétique, exalte avec un beau grain de vérité humaine. Carruth filme à fleur de peau, que ce soit celle de son héroïne aux cicatrices énigmatiques ou celle des cochons qui font l’objet d’une expérience parallèle. La dénonciation d’une culture de la manipulation, visant une nature (y compris humaine) qui n’en demandait pas tant, est une des pistes à suivre dans le puzzle mystérieux qui se compose sous nos yeux. Une autre mène au (ou part du) livre du poète Henry David Thoreau Walden ou la Vie dans les bois. Paru en 1854, cet ouvrage difficilement classable -ni roman, ni autobiographie- tient du pamphlet contre le monde occidental. Qu’il soit présent dans les mains et la mémoire des personnages centraux d’Upstream Color n’est pas sans signification. Mais le film de Shane Carruth, également compositeur de la bande sonore électro, éveille bien plus d’échos et d’interprétations possibles. Loin des conventions narratives, il ne cesse de nous questionner en se questionnant lui-même. Et cela sans oublier la nature émotionnelle du cinéma.

De Shane CaRruth. Avec Amy Seimetz, Shane Carruth, Andrew Sensenig. 1h36. Sortie: 14/09. ****

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