Critique

[critique ciné] Sweet Thing: l’art de la fugue

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

L’Américain Alexandre Rockwell filme ses propres enfants dans un récit d’apprentissage indépendant à l’âme vagabonde.

Réalisateur d’origine bostonienne qui s’était notamment signalé durant les années 90 via des comédies indépendantes mettant en scène un certain Steve Buscemi (In the Soup, Somebody to Love), mais aussi en signant, aux côtés notamment de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, un segment du film à sketches Four Rooms, le désormais sexagénaire Alexandre Rockwell avait déjà fait tourner, en 2013, ses propres enfants dans Little Feet, petit film en noir et blanc à l’esprit fugueur dans lequel un frère et sa soeur partaient à l’aventure depuis Los Angeles et multipliaient les rencontres sur leur chemin. À bien des égards, Sweet Thing, son nouveau long métrage, s’inscrit dans la continuité de celui-ci.

Nico et Lana Rockwell, ses fiers rejetons, ont grandi, et incarnent cette fois deux adolescents pauvres du Massachusetts ballottés entre un père alcoolique (Will Patton, dans un nouveau rôle de vieil illuminé proche de celui qu’il jouait récemment dans le Minari de Lee Isaac Chung) et une mère démissionnaire (Karyn Parsons, la compagne d’Alexandre Rockwell à la ville). Ensemble, ils font les 400 coups dans un mélange complice d’amertume et de douceur, jusqu’au jour où les choses dérapent pour de bon et qu’ils se retrouvent plus ou moins livrés à eux-mêmes. Avec Malik, un jeune garçon en quête de liberté qui croise leur route, ils tentent alors, tant bien que mal, de prendre leur destinée en main.

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Les petits fugitifs

Primé dans la section Generation Kplus de la Berlinale 2020 et encensé avec force superlatifs par le vieil ami cinéphile Quentin Tarantino, Sweet Thing séduit d’abord par le grain noir et blanc de son tournage en 16mm -où s’invitent à l’occasion des images de fantaisies ou de rêveries en couleurs- et sa plongée riche en trognes authentiques dans l’Amérique des déclassés. Par sa bande-son éclectique, aussi, qui convoque aussi bien Van Morrison, Billie Holiday, Karen Dalton ou Brian Eno qu’Arvo Pärt, Agnes Obel, Sigur Rós ou Ólafur Arnalds… Dans ses meilleurs moments, le film va même jusqu’à rappeler le fameux conte de Noël qui clôturait tout en délicate poésie, et au son de Tom Waits, l’irrésistible Smoke de Wayne Wang (1995) adapté de Paul Auster. Mais Sweet Thing flirte aussi plus qu’à son tour avec une espèce de misérabilisme esthétisé et quelques tics et clichés propres à une certaine tradition indépendante américaine. Décousu, procédant à la manière d’un collage de moments oscillant assez systématiquement entre cruelles galères et joies éphémères, il pratique essentiellement un cinéma de la vignette et donne parfois un peu le sentiment de tourner en rond. Reste, malgré tout, un objet peu commun et hautement personnel, fabriqué d’évidence avec coeur et passion.

Sweet Thing

DRAME. D’Alexandre Rockwell. Avec Lana Rockwell, Nico Rockwell, Will Patton. 1h31. Sortie: 21/07. ***

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