Critique

[Critique ciné] La Mauvaise Réputation, une oeuvre d’une force peu banale

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Une adolescente norvégienne se heurte aux valeurs traditionnelles de sa famille pakistanaise dans un drame d’inspiration autobiographique.

Motif récurrent, on trouve au coeur de La Mauvaise Réputation, le deuxième long métrage de la cinéaste norvégienne Iram Haq, révélée en 2013 par I Am Yours, un personnage tiraillé entre deux cultures. Soit, en l’occurrence, Nisha (Maria Mozhdah, formidable révélation du film), une jeune fille de seize ans menant une double vie, enfant pakistanaise modèle dans l’appartement familial où les valeurs traditionnelles ont cours, et ado norvégienne ordinaire en dehors, sortant en cachette au besoin, rompue qu’elle est à se jouer de la vigilance parentale. Une situation dont elle a appris à s’accommoder, mais qui va basculer lorsque son père, Mirza (Adil Hussain), les surprend, son petit ami et elle, dans sa chambre. Si leurs jeux sont bien innocents comparés aux standards occidentaux, c’est déjà beaucoup plus qu’il ne peut en supporter, explosion de rage et de violence à l’appui. Recueillie par les services sociaux, Nisha n’a encore rien vu cependant, puisque ultra-sensible au qu’en-dira-t-on, sens de l’honneur oblige, et sommé par la petite communauté pakistanaise locale de prendre une sanction exemplaire, Mirza va décider de l’enlever. Destination le Pakistan et une bourgade située à 350 kilomètres d’Islamabad, où Nisha sera initiée à une nouvelle vie par des membres de la famille restés au pays…

[Critique ciné] La Mauvaise Réputation, une oeuvre d'une force peu banale

Fossé culturel

Pour écrire ce scénario, Iram Haq s’est inspirée de son expérience personnelle, lorsque, âgée de quatorze ans, elle avait été kidnappée par ses parents et expédiée au Pakistan pendant plus d’un an afin d’y renouer avec les valeurs ancestrales. « Je voulais avoir la maturité nécessaire pour raconter cette histoire sans accabler les parents ni faire de l’adolescente une pauvre victime, explique-t-elle dans sa note d’intention. Je voulais raconter une histoire d’amour impossible entre les parents et leur enfant; celui qui ne peut pas avoir une fin heureuse tant que le fossé entre ces deux cultures reste si large. » Relation délicate entre un père et son enfant se doublant de l’opposition, irréductible en apparence, entre deux mondes, le programme de La Mauvaise Réputation est assurément chargé. Et l’on peut faire au film le procès de manquer par endroits de nuances -en particulier dans la définition de ses personnages secondaires, féminins surtout, mais aussi dans l’évolution de la figure paternelle. Pour autant, il y a là une oeuvre d’une force peu banale, chevillée à une réalité complexe qu’Iram Haq appréhende avec vigueur, tout en l’enrichissant de diverses échappées. S’ensuit le portrait sensible et secouant d’une adolescente en quête de liberté et d’une place dans le monde. Proposition que l’exceptionnelle composition de Maria Mozhdah, armée tout du long d’une détermination farouche, réussit à porter à lumineuse incandescence…

De Iram Haq. Avec Adil Hussain, Ekavali Khanna. 1h46. Sortie: 06/06. ****

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