Critique

[critique ciné] Ils sont vivants: Jungle Fever à Calais

Dans Ils sont vivants, Marina Foïs voit sa vie chamboulée par l’irruption de l’amour et du désir en pleine Jungle de Calais.

Un jour de grand vent, un enterrement. Une femme blonde, les cheveux dans les yeux, s’agite de plus en plus, alors que la mise en terre s’éternise. Le vernis solennel de la situation est mis à mal par un détail technique: le cercueil ne rentre pas dans la tombe. Le défunt, c’est le mari de Béatrice, la femme blonde. On apprend au fil du film que son époux n’est pas mort en service, mais d’une cirrhose. Il y a comme une dissonance entre le héros célébré par ses amis, et l’homme qui partageait sa vie.

Le choc est grand quand Béatrice, infirmière en gériatrie la nuit, découvre au hasard d’une rencontre la Jungle de Calais.  » Je torche des vieux la nuit, c’est pas pour aider des Noirs et des Arabes en journée« , balance-t-elle à une bénévole qui lui demande si elle vient aider, alors qu’elle pensait simplement se débarrasser là des habits de feu son mari. Mais les regards qu’elle croise la trouble, à commencer par celui de Mokhtar, un enseignant iranien qui fait la grève de la faim. Sa vision du monde vacille. Ses convictions, qu’elle n’avait peut-être jamais vraiment interrogées, se fissurent de toutes parts. La passion charnelle et amoureuse qui la lie bientôt à Mokhtar, à laquelle elle s’efforce d’abord de résister, lui ouvre de nouveaux horizons. Lui ouvre le coeur et les yeux. Le racisme de ses proches lui saute soudainement aux yeux.

Jungle Fever à Calais

Marina Foïs époustouflante

Jérémie Elkaïm, comédien français et co-auteur il y a dix ans déjà de La guerre est déclarée, réalisé par Valérie Donzelli, signe avec Ils sont vivants son premier long métrage. Et on peut dire qu’il ne cède pas à la facilité en se lançant sur un sujet délicat, mêlant crise migratoire et imprégnation des idées de l’extrême droite, racisme ordinaire ou extraordinaire, et libération sexuelle et amoureuse.

À l’origine du projet, on retrouve la comédienne Marina Foïs, extrêmement convaincante dans le rôle de cette femme libérée par le désir, aussi bien émotionnellement qu’intellectuellement, inspirée par le récit autobiographique de Béatrice Huret, Calais mon amour, l’histoire d’une ex-militante du Front National qui tombe amoureuse d’un réfugié iranien qu’elle va aider à traverser la Manche.

La difficulté pour Jérémie Elkaïm était de ne pas tomber dans le piège d’un manichéisme mortifère, de saisir la complexité des motivations de chacun, des deux héros bien sûr, mais aussi et peut-être surtout des personnages secondaires qui gravitent autour d’eux (on pense notamment au personnage de journaliste incarnée par Laetitia Dosch). Il opte pour un style réaliste et cru, qui laisse place aussi à l’humour, qui parfois débloque des situations ou les rend plus respirables, tout en balayant du revers de la main toute tentation moralisatrice, ou accusation de bien-pensance.

Ils sont vivants

de Jérémie Elkaïm. Avec Marina Foïs, Seear Kohi, Laetitia Dosch. 1 h 52. Sortie: 23/02.

7

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