Critique

[À la télé ce soir] Un pays dans la tourmente

Adela, clown dans un cirque, cherche désespérément sa fille qui a été enlevée. © ZDF/Ernesto Pardo
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un docu humain et poignant mais aussi sacrément interpellant sur l’état de la démocratie et la sécurité toute relative du citoyen dans un Mexique rongé par la violence et les magouilles.

Au Mexique, on les appelle les payeurs. Ceux qui paient pour les crimes des autres. Miriam travaillait à l’aéroport de Cancún dans la zone d’immigration où elle devait valider l’arrivée des voyageurs étrangers. Inculpée de crime organisé et de trafic de personnes, comme quelques-uns de ses collègues, sur une plainte de l’Institut national d’immigration, elle a vécu l’enfer à 2.000 kilomètres de chez elle dans une prison autogérée par le cartel. Pas de policier, pas d’uniforme, pas de barreaux. Des restaurants, des magasins, un marché et même une cantine avec de la bière… Ça ferait presque envie si le comité d’accueil, menaçant et toujours enclin aux plaisirs sadiques et rémunérateurs de la torture, n’avait exigé 5.000 dollars à son arrivée (prenant le nom de ses proches pour leur extorquer de l’argent) et en voulait 500 autres par semaine pour la maintenir en vie. La mécanique est bien huilée. Un comptable a même été kidnappé pour gérer les finances de cette crapuleuse « entreprise ».

À Matamoros comme dehors, ceux qui n’ont pas d’argent ont le quotidien rude. Adela en est la preuve vivante et libre. Adela est clown et travaille dans un cirque. Elle s’est fait enlever sa fille de 24 ans il y a une dizaine d’années maintenant avec demande de rançon et menace de se la voir restituée en morceaux. Elle a bien tenté d’enquêter pour retrouver sa trace (et est aujourd’hui convaincue qu’elle a été victime du fils d’un flic ripou et de son gang qui l’ont obligée à se prostituer), mais elle a subi d’odieux chantages pour abandonner les recherches.

Leurs histoires, racontées sur les images d’un bus traversant le pays (visages fatigués, paysages « embrumés », contrôles de police à la mitraillette) et dans les parages d’un chapiteau circassien n’ont pas grand-chose en commun. Si ce n’est que Miriam et Adela sont toutes deux victimes d’un système gangrené par la corruption et l’injustice. Réalisatrice de The Tiniest Place, qui auscultait les cicatrices de la guerre civile salvadorienne sur un village rasé par l’armée, Tatiana Huezo signe avec Un pays dans la tourmente un docu humain et poignant mais aussi sacrément interpellant sur l’état de la démocratie et la sécurité toute relative du citoyen dans un Mexique rongé par la violence et les magouilles. Flippant, bouleversant et édifiant.

DOCUMENTAIRE DE TATIANA HUEZO. ***(*)

Ce lundi 17 octobre à 00h15 sur Arte.

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