Critique

[à la télé ce soir] Sois là pour m’aimer

© Jeanene Van Zandt
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Sur Townes Van Zandt, un docu poignant qui sent bon l’Amérique et sa country music.

« Je ne me vois pas vivre très longtemps. Ma vie s’achèvera avant que j’aie fini mon oeuvre. Je l’ai conçue de cette façon. » L’Histoire de la musique regorge de destins tragiques et collectionne les artistes partis trop tôt. Né le 7 mars 1944 à Fort Worth, Townes Van Zandt a vécu jusqu’à 52 ans. Ce qui est plutôt pas mal comparé à Jimi Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin et Brian Jones. Il n’en a pas moins connu les affres du poète maudit. L’histoire de John Van Zandt (Townes était le nom de famille de sa mère) est celle d’un gamin qui a demandé sa première guitare au père Noël après avoir vu Elvis à la télé (« Il avait tout l’argent du monde, la moitié des Cadillac et la plupart des filles« ), mais a longtemps vécu dans une vieille caravane de la banlieue d’Austin. Un ancien quartier d’esclaves affranchis dans lequel il a passé ses journées à boire, se droguer, jouer aux cartes et aux dés.

Si ses chansons ont eu des vertus thérapeutiques sur certains suicidaires, Townes lui-même a joué à la roulette russe, s’est injecté de l’héroïne comme du bourbon et du Coca-Cola, s’est jeté du deuxième étage d’un immeuble… Passionnant, bouleversant, intime mais digne, Sois là pour m’aimer évoque son amour pour Lightnin’ Hopkins, Bob Dylan, le vin et la colle. Il raconte l’hôpital psychiatrique et la thérapie de choc qui ont effacé ses souvenirs, la souffrance psychologique et les cauchemars qui le font pleurer au milieu de la nuit, mais aussi le guitariste aux doigts d’or et le génie solitaire de l’écriture. « Être seul est une façon d’être alors que la solitude est un sentiment. C’est comme être fauché et être pauvre. Je suis presque tout le temps seul mais je ne ressens presque jamais la solitude pendant la journée. »

Ses enfants, sa soeur, sa cousine, ses trois épouses, son avocate, des camarades de classe, puis aussi Willie Nelson, Kris Kristofferson, Steve Earle, John Lomax III qui a été son manager, Emmylou Harris, qui l’a chanté, ou encore Steve Shelley de Sonic Youth, qui l’a enregistré, brossent le portrait d’un mec qui traversait le désert à pied avec ses disques pour seuls bagages et qui se cassa le bras dans un accident de voiture la veille d’une tournée avec John Lee Hooker.

« Je me suis enfoncé une épingle dans le lobe de l’oreille, raconte-t-il dans un extrait audio du documentaire. Si ça s’infecte, je la couperai. À la Van Gogh. Je suis en train d’écrire une chanson. Ma main n’arrive pas à suivre. Je ne vais y mettre que des noms d’oiseaux… Rien que des oiseaux. Et le dernier couplet sera en latin. » Un docu poignant qui sent bon l’Amérique et sa country music.

Documentaire de Margaret Brown. ****(*)

Vendredi 06/08, 00h25, Arte.

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