Critique

[À la télé ce soir] Notes on Blindness

"C'était là que j'ai pris conscience que je devais me confronter à ma cécité. Car si je ne la comprenais pas, elle aurait raison de moi." John Hull, professeur de théologie. © Agat Films & Cie
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un professeur et théologien perd la vue juste avant la naissance de l’un de ses enfants. Pour donner un sens à la tragédie, il décide de tenir un journal audio.

Au début des années 80, John Hull, professeur et théologien à l’université de Birmingham souffrant de troubles de la vision depuis l’enfance, perd la vue juste avant la naissance de l’un de ses enfants. Pour donner un sens à la tragédie, s’expliquer aussi le grand bouleversement, il décide de tenir un journal audio et enregistre le 21 juin 1983 la première de ses Notes sur la cécité. Ces notes, dès 1990, Hull les adaptera en bouquin, Touching the Rock, traduit en français par Le Chemin vers la nuit: devenir aveugle et réapprendre à vivre.

Aujourd’hui, c’est donc sous la forme d’un film, un film et une expérience de réalité virtuelle (Into Darkness) que renaît cette passionnante, humaine, très personnelle et quasi philosophique réflexion sur le handicap. Les témoignages du documentaire signé Peter Middleton et James Spinney sont adaptés des enregistrements et d’entretiens avec Hull et sa femme. Tous deux interprétés par des comédiens à qui Lambert Wilson et Elsa Lepoivre donnent voix dans la version française.

« Étudier sa maladie pour préserver sa personnalité et son humanité. » Ainsi peut-on résumer la démarche de Hull dont on suit les premiers pas inquiétants dans l’obscurité. Les tâtonnements, les doutes et les inter- rogations… L’homme de savoir a constitué une équipe pour lui enregistrer des livres. Jusqu’à 30 personnes ont travaillé pour lui et transformé des manuscrits en cassettes. Mais Notes on Blindness n’est pas un guide pour vivre dans un monde qu’on ne voit plus. C’est une expérience intime aux contours flous qui traverse le déni, la peur, les angoisses, les moments de joie et les terribles coups de blues.

Qu’arrive-t-il au cerveau quand la stimulation optique s’arrête? Hull sent sa mémoire se fragmenter. Ses souvenirs visuels de sa femme, de ses enfants et même de son propre visage s’émietter. Tout autant que de réponses, ce documentaire est habité de questions et de pensées.

Sur la pluie qui rend tout audible, dévoilent les formes et les dimensions. Comme sur le sourire, cette lettre morte quand on ne voit pas la joie de l’autre, qu’il pense d’ailleurs avoir perdu.

D’abord né sous la forme d’un court métrage, Notes on Blindness est peut-être un peu longuet (1h20) dans sa forme documentaire, mais on se laisse emporter par sa narration originale, son travail visuel et sonore. Totalement convaincu par son épitaphe: la question de la compréhension mutuelle est la clé de notre avenir à tous.

DOCUMENTAIRE DE PETER MIDDLETON ET JAMES SPINNEY. ****

Ce mercredi 12 octobre à 22h30 sur Arte.

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