Critique

[À la télé ce soir] Le Temps des ouvriers

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

L’individualisation a détruit les anciennes solidarités, désagrégé leur culture, rongé leur identité collective. Les ouvriers représentent pourtant encore aujourd’hui en France un cinquième de la population active. Qui sont-ils? D’où viennent-ils? Que veulent-ils? Qu’ont-ils en commun et qu’est ce qui les sépare? Stan Neumann se pose ces questions et bien d’autres encore dans sa monumentale, passionnante et polyphonique série documentaire.

Déclinée en quatre épisodes d’une petite heure, elle raconte sur plus de trois siècles l’Histoire européenne des ouvriers. Tout commence en Angleterre au début du XVIIIe siècle quand, portée par un grand boom textile, une nouvelle économie industrielle et commerciale voit le jour. En quête de profits toujours plus importants, le marchand décide de prendre le contrôle de toute la chaîne de production et rassemble ses activités dans un seul lieu: l’usine. Le tisserand indépendant ne peut lutter. Il doit vendre sa force de travail contre un salaire.

Didactique, très bien et clairement expliqué, construit sur d’incroyables images d’archives (célèbres et méconnues) mais aussi des dessins et animations stylisées et pleines d’humour, Le Temps des ouvriers est une réflexion brillante et précieuse en ces moments de grands bouleversements. Un film que feraient bien de regarder tous ceux qui doivent construire le monde de demain. Et pas que les patrons, les économistes, les scientifiques et les politiciens…

Auteur et réalisateur français né à Prague, Neumann parle de l’usine et du temps. Du contrôle jadis truqué par les chefs. Des journées de 16 heures parfois, avec deux autres pour les trajets, histoire d’ôter l’opportunité aux travailleurs de comploter et de boire… Il se penche sur Marx et la lutte des classes. Le taylorisme et la loi du chronomètre. Le travail à la chaîne qui abîme le corps et le cerveau. Les premières lois de protection sociale et cet argument opposé aux patrons récalcitrants: « Il faut protéger le corps des ouvriers car ils sont du capital au même titre que les machines. »

Il s’agit d’optimisation du geste, gymnastique ouvrière et livres de cuisine pour la working class (après le calcul des calories que le travailleur brûle au boulot), mais aussi d’enfants que les orphelinats louent à l’usine ou encore des travailleurs outils du nazisme… L’Histoire des ouvriers, c’est aussi celle du communisme et de l’anarchisme, de la Seconde Guerre mondiale, du féminisme… En un mot, l’Histoire des dominations. À ne pas rater.

Documentaire de Stan Neumann ****(*)

Mardi 28/4, 20h50, Arte.

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